
Dans l’univers de la presse, M. Maurice Lévy est intouchable. Il sait pouvoir compter sur un faisceau d’amis et d’intérêts bien compris. « Le Monde diplomatique », qui a déjà consacré plusieurs articles critiques au PDG de Publicis — troisième groupe publicitaire mondial —, doit au soutien de ses lecteurs et de ses abonnés la liberté de pouvoir poursuivre ce travail irrévérencieux.
(...) Dans l’univers de la presse, M. Lévy est intouchable. Il sait pouvoir compter sur un faisceau d’amis et d’intérêts bien compris. Hormis Le Canard enchaîné et Marianne — qui dénonça sur une pleine page l’« outrance » d’un super-pactole —, bien peu de titres se risquèrent à mettre en cause le patron du troisième groupe publicitaire mondial, garant d’une part non négligeable de leurs revenus. « Prudence et modération des journaux sur le scandale des rémunérations de Maurice Lévy qui tient la pub », résuma le 28 mars Airy Routier, conseiller de la rédaction de Challenges, sur son compte Twitter. Le directeur de l’hebdomadaire, Pierre-Henri de Menthon, avait, lui, choisi d’interviewer M. Lévy sous le titre « La chasse aux patrons est ouverte » (28 mars 2012). Dans Le Figaro du 4 avril, Arthur Sadoun, le numéro 2 de Publicis, assura que Maurice Lévy était victime d’un « lynchage ».
Ce mariage de raison ne date pas d’hier. (...)
On trouve dans les archives électroniques du Monde cinq cent sept articles sur le patron de Publicis : c’est presque deux fois plus que les occurrences des noms de M. Christophe de Margerie, président de Total et première capitalisation du CAC 40 (289), ou de M. Franck Riboud, patron de Danone, l’une des plus importantes multinationales françaises (268). Sur le site du Figaro, le score (392) dépasse aussi celui de MM. Margerie (124) et Riboud (285). Le quotidien sert parfois de chambre d’écho à la communication du groupe de publicité. Le 21 septembre dernier, il titre par exemple que « Publicis accroît encore son avance dans le numérique ». Ou, quelques mois plus tôt, le 18 juin 2012, que « Publicis s’implante en Palestine ». Maurice Lévy est bien sûr cité pour souligner qu’il en va de « la poursuite du rêve de tout homme de voir la paix s’établir dans cette région entre les peuples israélien et palestinien ». Mais le journal n’insiste pas sur une réalité chiffrée : l’implantation de Publicis en Palestine se traduit par une prise de participation à hauteur de 20 % dans une modeste agence de Ramallah de 23 salariés tandis que, la veille, le groupe réalise l’acquisition d’un réseau israélien entier de 23 bureaux (BBR) qui lui permet de doubler de taille dans ce pays où il emplois désormais 400 salariés. (...)
’il excelle dans l’art de mettre les patrons annonceurs au service de certains journaux, avant que ces mêmes journaux ne rendent service à ces mêmes patrons. « Les puissants verront vite qu’on peut avoir de l’influence sans posséder de presse papier », s’amuse-t-il (5). (...)
« C’est une abomination de voir que les pauvres souffrent plus si les riches ne contribuent pas davantage de façon disproportionnée [ sic] », affirme-t-il sur CNN (27 janvier 2012). Pas question pour autant de plafonner le salaire des grands patrons : « Il est anormal, sauf à être dans une économie contrôlée, d’essayer de normaliser les rémunérations », professe-t-il le 25 août 2011 sur Europe 1, station qui appartient au groupe Lagardère et où M. Lévy sait pouvoir toujours compter sur l’amitié de Jean-Pierre Elkabbach, assurant n’avoir « aucun calcul autre que la remise en ordre des dépenses publiques et une certaine justice dans la répartition de l’effort ». (...)
Deux semaines avant son échec électoral, le président de la République d’alors, M. Sarkozy, défendit le bonus de 16 millions d’euros de M. Lévy : « C’est un très grand chef d’entreprise qui a développé l’entreprise de manière assez remarquable. Il mérite d’être bien rémunéré. » Mais M. Sarkozy ajouta aussitôt : « Ce qui m’a choqué, c’est que François Hollande me prenne à partie dans cette affaire. Ce sont ses amis les Badinter qui, au conseil d’administration, ont voté le bonus. […] Imaginez que ce soit un de mes amis qui ait fait cela ? Qu’est-ce qu’on aurait entendu… » C’est probablement pour des raisons qui n’avaient rigoureusement rien à voir avec ces complicités croisées que le 3 avril 2012, l’un des principaux quotidiens internationaux, le Wall Street Journal, publia un éditorial suggérant ... l’élection à l’Elysée du PDG de Publicis. Dans un français approximatif, l’éditorial fut titré « Lévy for le Président »