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JT de France 2 : bref, Adama Traoré est mort
Article mis en ligne le 3 août 2016

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré, jeune homme noir de 24 ans, est mort à la suite de son interpellation par la gendarmerie, à Beaumont-sur-Oise, dans des conditions encore indéterminées.

Le 30 juillet, au soir d’un rassemblement exigeant « justice et vérité », appelé par la famille du défunt et ayant réuni entre 600 et 1000 personnes sur le parvis de la Gare du Nord de Paris, le JT de 20h de France 2 consacre seulement 23 secondes au sujet. Un temps court, mais suffisamment long pour diffuser des contre-vérités. (...)

Sur les 23 secondes en effet, les téléspectateurs n’entendront pas la parole des organisateurs de la manifestation, pas plus que celle de ses participants, et ce alors même que des images du rassemblement, captées par des journalistes de France Télévisions présents sur place, ponctuent les trois phrases du présentateur.

Et cette édition du soir n’est pas en reste : toujours au regard des 23 secondes dédiées au rassemblement, remarquons que la rédaction choisit de consacrer – dans le cadre de sa rubrique « Été gourmand » – cinq minutes à « l’éclade, un plat de moules typique [de l’île d’Oléron] cuit aux aiguilles de pin », ainsi que cinq autres (longues) minutes aux milliardaires états-uniens ayant jeté leur dévolu sur des appartements de luxe au sommet des tours de New York : Tatiana et Warren, bras dessus bras dessous, débouchent du champagne face à l’Empire State Building, noyé dans un soleil déclinant. Voilà qui est, chacun l’avouera, beaucoup moins futile que la mort, lors d’un contrôle d’identité, d’un jeune homme noir de 24 ans, et les exigences de vérité de ses proches.

On aurait pu imaginer que le sujet avait déjà occupé – ou occuperait – un temps d’antenne plus conséquent lors d’une autre édition du JT. Mais il n’en est rien (...)

Entre approximations et contre-vérités

Revenons à présent sur le contenu du « reportage » qui, faute de temps sans doute, oublie de mentionner le fait que le « rassemblement » de Gare du Nord aurait dû être un défilé, si la préfecture n’avait pas décidé de bloquer les manifestants, et que le chiffre de 600 manifestants est celui de la police, tandis que les organisateurs revendiquaient 1000 participants. Mais là n’est pas le plus important. C’est en effet la sentence qui clôt le sujet qui mérite d’être examinée : « Ses proches réclament la vérité sur les circonstances du décès. La justice, elle, a conclu que le jeune homme n’avait subi aucune violence ». Comprendre : alors que les proches d’Adama Traoré soupçonnent que le jeune homme serait mort du fait de violences policières, « la justice » a déjà établi que ce n’était pas le cas. (...)

le moins que l’on puisse dire à la lecture de ces articles est que les éléments alors à la disposition des journalistes auraient dû inciter le JT de France 2 à la plus grande prudence. (...)

les gendarmes ayant procédé à l’interpellation d’Adama Traoré avaient déclaré ce qui suit devant les enquêteurs : « Il a pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation. » Lorsque l’on sait, en outre, que les deux rapports d’autopsie évoquent un « syndrôme asphyxique » [5] comme cause du décès, la formule utilisée dans le JT de France 2 est pour le moins approximative, pour ne pas dire mensongère.

L’idée selon laquelle la justice aurait « conclu » quoi que ce soit est, quant à elle, une contre-vérité. (...)

À vouloir faire trop court, on finit souvent par faire n’importe quoi. Telle semble être la morale de cet épisode peu glorieux pour le service public (...)