
(...) C’est ce monde déréglé par cette finance qui jouait sur elle-même, et petit à petit a cancérisé tous les États, toutes les nations, tous les compartiments de l’activité humaine, pompant leur énergie, prélevant une dîme inouïe sur le travail, pour la disperser ensuite sous forme de bulle qui éclate à intervalles réguliers, réduisant à néant les efforts fournis par tant et tant de monde. Tant de travail, tant de peine pour rien !
Voilà que ce moment est terminé. Venu de l’explosion de la dette privée aux États -Unis d’Amérique, contaminant les dettes souveraines, le système tout entier est déréglé, et ceux qui le dirigent sont incapables de penser autre chose pour le futur que ce qu’ils ont toujours connu. (...)
Et ce soir, ce qui était consternant à la télévision, ce n’était pas seulement cette salle incroyable de réactionnaires, récoltés sur la Côte d’Azur, venus attroupés autour du président de la République pour applaudir bestialement l’annonce de la ruine de tout ce que nous aimons ; et pourquoi ont été sacrifiés tant d’efforts : la retraite à soixante ans, les trente-cinq heures, les congés payés et le droit de se reposer, le droit de vivre et non pas de survivre ! Tout ce que nous aimons, tout ce qui a été bâti, ils en applaudissent la destruction !
Quel spectacle consternant ! (...)
Interdire que l’on harmonise socialement et fiscalement l’Europe par le haut, c’était organiser la compétition des peuples. Et cette compétition contient une pente. Cette pente conduit à nous replacer devant un mur que nous pensions avoir abattu autrefois. Le Vieux Continent pensait que la question de la démocratie, et de son caractère indépassable pour l’organisation des sociétés humaines, était réglé depuis que nous avions fait capituler, le 8 mai 1945, non pas les Allemands, mais les Nazis, ce qui est une différence ! Voici que la pente prise par la logique du traité de Lisbonne nous amène devant, de nouveau, la question de la démocratie. (...)
Savez-vous que, dorénavant, plus aucun budget d’aucun État-Nation ne peut être présenté devant son parlement national de députés que vous avez élus, sans avoir d’abord été soumis à l’approbation de la Commission européenne ? Savez-vous qu’a d’ores et déjà été décidé que, si un pays venait à ne pas respecter le cadre budgétaire étroit de la politique d’austérité, si un pays venait à sortir de ces clous, alors il subirait une amende qui peut aller jusqu’à 3% de la richesse produite par ce pays pendant une année, ce qui n’aurait pour unique effet que d’aggraver la crise du pays en question. Tout cela a déjà été décidé, sans que jamais vous n’ayez entendu une seule fois le chef de l’État ou le premier ministre vous rendre des comptes pour vous dire ce qui a été décidé en votre nom, et contre votre gré. Voilà la situation dans laquelle nous sommes. A partir de quoi, c’est dorénavant une invraisemblable course, qui voit l’Europe passer d’une Europe a-démocratique à une Europe autoritaire. C’est de manière autoritaire que l’on envoie la troïka – le FMI, la Commission, la Banque Centrale Européenne – dans chaque ministère grec, surveiller les budgets. C’est de manière autoritaire que l’on décidera, sans consulter les peuples, des amendes dont je viens de vous parler. Et c’est, dorénavant, la porte ouverte à tous les abus. Nous, les Français, dans ce pays, nous avons initié l’ère moderne, par la grande révolution de 1789, lorsque le peuple a décidé que c’est lui qui fixerait le budget, déciderait quels seraient les impôts. Ce à quoi on nous ramène, c’est au statut qui était le nôtre de sujets, avant la République, avant la démocratie. (...)
Oui, la démocratie est en danger ! Mais pas seulement elle. Je veux vous en parler avec gravité. Lorsque le système excite les contradictions à l’intérieur des Nations par la dureté du traitement social qu’elle inflige au grand nombre ; lorsque l’on passe son temps à dresser celui qui n’a plus rien contre celui qui a un petit quelque chose, celui qui a un petit quelque chose contre celui qui n’a rien ; lorsqu’on prétend trier les Français, peuple record d’Europe des mariages mixtes, peuple par définition mélangé, par vocation, et qui s’en glorifie… quand on veut les trier d’après leur couleur de peau, leur religion, on introduit dans le peuple un ferment de division et de haine qu’on retrouve à l’autre échelle, celle des Nations. Je vous le dis solennellement, c’est un très mauvais service qui est rendu à la paix, et à l’idée même d’Europe, que de désigner la Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, sous le nom de PIGS, qui en anglais signifie cochon. (...)
Je veux dire, pour la dignité des Grecs, qu’en Europe, ceux qui travaillent le plus longtemps, ce sont les Grecs ; ceux qui souffrent le plus, ce sont les Grecs ; et qu’ils n’ont pas de leçons à recevoir de ceux qui trichent avec le fisc. Ce ne sont pas les travailleurs grecs, ce sont les curés grecs qui ne paient pas d’impôts pour l’Église ; ce sont les armateurs grecs, ce sont les banquiers grecs, qui ne paient pas d’impôts. Et nous savons où ils mettent leur argent.
Il n’y a aucune difficulté, plutôt que d’aller courir derrière celui-ci ou celle-là, parce qu’il aurait touché plus que sa part ; plutôt que d’aller courir après les « fraudeurs » des régimes sociaux, en commençant par oublier ceux qui font 80% de la fraude, c’est-à-dire les patrons-voyous qui ne déclarent pas le travail… ils feraient mieux de courir après les fraudeurs du fisc, qui volent chaque année à la patrie républicaine 40 milliards d’euros dans ce pays ; ils feraient mieux de courir après les voleurs du fisc grec, parce que le total de la dette des Grecs est dans les coffres des Suisses aujourd’hui, et qu’il suffit d’aller le chercher.
Quand on a excité les peuples les uns contre les autres, alors le pire est à craindre. (...)
Nous voulons l’Europe, et par conséquent nous nous en donnons les moyens. Mais nous mettons en garde tous ceux qui, après nous avoir beaucoup stigmatisés, et parfois même injuriés, parlent à présent sur un ton qui ne nous convient pas. Nous ne reprochons pas à Madame Merkel d’être allemande, nous lui reprochons d’être conservatrice et libérale. Les Allemands, les Allemandes, sont unis avec nous par des intérêts communs. Ces intérêts communs sont ceux du Travail contre le Capital.
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Nous sommes opposés à la construction de l’Europe libérale ; nous sommes pour une Europe de la coopération. La porte qui nous permet de sortir par le haut, c’est celle qui oppose à la concurrence libre et non faussée la coopération entre les peuples, l’harmonisation sociale, l’harmonisation fiscale par le haut. (...)
L’événement qui s’avance, c’est que cette révolution se dessine sous nos yeux dans les mouvements des Indignés, dans les grèves générales et les mouvements des travailleurs, qui ont lieu dans toute l’Europe, et notamment là où le FMI, la Banque centrale européenne et la Commission frappent le plus dur.
Ce mouvement est commencé. Et dans notre pays, parce qu’il est l’enfant, l’héritier de cette longue lutte des Lumières, de ses révolutions et du mouvement ouvrier…dans notre pays surviendra aussi cette révolution citoyenne, que le Front de Gauche appelle de ses voeux et qu’il veut préparer. Oui, ce mouvement va avoir lieu ! La campagne électorale et l’élection présidentielle, seront une étape à l’intérieur de ce mouvement.
Mais, bien sûr, il peut se produire tout le contraire. Rien n’est assuré, vous le savez aussi bien que moi. (...)
Chacun voit la vie à la mesure de son propre budget, de sa situation de famille, et les gens se disent : « On ne peut pas dépenser plus que ce qu’on gagne. » Bien sûr, c’est leur situation à eux. Mais l’État n’est pas du tout placé dans cette situation, l’État peut choisir de gagner ce qu’il doit gagner. Mais les gens ne le savent pas, et ils se disent : « Vous avez raison, mais peut-être que si on se serre un peu la ceinture – ils ont tellement l’habitude de se serrer la ceinture ! – … Peut-être que si on fait un effort…Peut-être que si on en met un bon coup, eh bien, tout va s’arranger, tout sera réglé. »
Vous avez donc à être ceux qui doivent faire reculer la peur et la résignation. Dans ce débat de l’élection présidentielle, vous allez devoir faire vivre une explication. Vous allez devoir présenter, expliquer, d’où vient la dette, pourquoi elle peut être entièrement résorbée. Non seulement si on examine son contenu pour voir si elle est légitime, mais aussi si l’on prend, là où il y a, de quoi équilibrer les comptes, si l’on taxe les revenus du capital comme on taxe ceux du travail ! Si l’on récupère les 10 points de la richesse du pays qui sont passés des poches du travail à celles du capital. (...)
La démonstration de l’impuissance absolue sur laquelle débouche cette politique nous est donnée par la Grèce, et ainsi la Grèce, qui avait été utilisée pour faire peur et faire rentrer la tête dans les épaules, doit être utilisée par vous pour faire réagir et réfléchir, car nous avons besoin d’un peuple informé, conscientisé, dont le niveau de compréhension soit élevé (...)
A droite ils vous disent : « Il faut faire des progrès économiques. Serrez-vous la ceinture et, si il y a, on verra ce qu’on peut vous donner. » En général, il faut aller le chercher avec les dents. Rien n’a jamais été acquis autrement que par la lutte. Mais en tout cas, l’explication, c’est toujours la même : en quelque sorte, le progrès serait les miettes qui tombent de la table. Plus le puissant a à manger, plus les miettes sont grosses. Voilà leur système d’économie politique.
A l’inverse, la gauche dit : « Le progrès économique est le résultat du progrès social et du progrès écologique. » Est le résultat ! C’est la raison pour laquelle nous disons que nous n’acceptons pas un mot de la politique d’austérité, et peu nous chaut de la couleur de l’austérité ! Je veux dire que ce que l’on nomme « l’austérité de gauche »… le problème qui est posé, ce n’est pas le mot « gauche », c’est le mot « austérité ». Il n’y a pas d’austérité de gauche. L’austérité est toujours de droite. (...)
nous ne disons pas : « Allez ! On produit ! On produit n’importe quoi, n’importe comment, comme avant, on ne réfléchit pas ! On trouve de l’argent – comme font les libéraux -, on le propose et allez, c’est parti ! Un bel emballage, un nouvel emballage ! Beaucoup de publicité ! » Des produits de luxe qui ne servent à rien, des besoins que l’on ne ressent pas, et les besoins, les vrais, ceux-là, ils ne sont pas satisfaits ! Personne ne s’en occupe parce qu’ils ne sont pas assez rentables, parce qu’ils ne sont pas assez profitables. Relancer l’activité, c’est organiser un nouveau modèle de progrès de la société. Toute notre pensée politique, toute la construction de notre programme, est faite autour d’un mot : la planification écologique. (...)
Si vous voulez que le bien vivre, le bien manger, ne soient pas un luxe réservé seulement à quelques uns, tandis que le grand nombre, n’accède qu’à des produits de moindre qualité, résultat d’une agriculture productiviste que plus personne ne contrôle. Si vous voulez cette agriculture paysanne, alors il faut la payer, il faut que les intermédiaires arrêtent de faire du +20, +21, +25 sur les produits de base qu’ils ont pris aux agriculteurs. Mais il faut payer le paysan, et, si ça coûte plus cher, pour que l’ouvrier puisse se payer les produits qui coûtent plus cher, il faut augmenter l’ouvrier. Raison pour laquelle le progrès du salaire n’est pas seulement un progrès social, il est aussi un progrès écologique, il est aussi un progrès du bien vivre et de la répartition sur tous de l’organisation du territoire. Montrer comment chaque chose tient à l’autre, la responsabilité des Français devant l’humanité universelle est de produire dans des conditions qui fassent honneur à leurs capacités de performance technique. Nous ne pouvons pas nous décharger sur les autres du soin de produire un certain nombre de biens qu’ils ne sont pas en état aujourd’hui de produire dans des conditions écologiquement satisfaisantes. Il n’est pas acceptable, par exemple, que l’on dise : « On se moque de savoir ce que devient la sidérurgie, puisque de toute façon il y aura bien quelqu’un qui fera de l’acier dans le monde ». (...)
Nous opposons une cohérence à l’autre. Il y a, d’un côté, la politique de l’austérité, dont l’unique but est, comme l’a dit le président de la République ce soir, de lever le doute des spéculateurs. Eh bien, nous nous fichons du doute des spéculateurs, notre intention est de leur briser les reins. Nous savons le faire. Par des mesures techniques concrètes et parce que nous faisons des propositions, comme celle que nous avons faite comme vous le savez depuis plusieurs mois : : que la Banque Centrale Européenne prête directement aux États, au lieu de les obliger à aller ramper devant le marché financier international. C’est parce que nous savons que nous avons la solution, que nous osons proposer cette politique de relance. Elle est vraie en France, et elle est vraie à l’échelle de l’Europe. Nous avons été les premiers à proposer que l’Europe se dote d’un fond social de développement écologique, de manière à financer ces nouvelles activités. (...)
Reconnaissons ceci : la droite s’est idéologiquement homogénéisée. Il n’y a plus de digue entre la droite et l’extrême-droite. Le discours est le même. En tout point. Ils font appel aux mêmes valeurs. Ils font appel aux mêmes réflexes. Ils cultivent les mêmes obsessions. Ils déchaînent les mêmes rancoeurs, les mêmes haines. (...)
Nous préparons cette élection comme une étape d’un mouvement plus grand que nous, je vous l’ai dit. Nous la préparons avec les moyens humains dont vous êtes, chacun d’entre vous, dorénavant comptables : les assemblées citoyennes, les écoutes collectives, les réunions d’appartements… Tout ce que vous avez su faire en 2005, c’est le moment de le recommencer, avec les mêmes méthodes simples et tranquilles, pleines d’humanité et de fraternité. Et non pas en donneurs de leçons, mais chacun aidant l’autre à mieux comprendre, tirant son profit du savoir-faire de chacun, de sa compétence, de sa qualification, de ce qu’il a appris de la vie, pour mieux comprendre les tâches que nous aurons à accomplir. Car si je vous ai dit tout à l’heure « notre heure viendra », aucun d’entre nous ne sait quand son heure viendra, et de quoi. Mais c’est l’espérance toujours qui vous fait vous relever, le goût du meilleur, le petit goût des bonheurs simples qui permet de reprendre l’ouvrage là où on l’a abandonné la veille, de le recommencer comme si c’était un jour nouveau chaque fois, comme si de toute façon ce que nous avons envisagé finirait pas survenir. (...)
Voici les mots sur lesquels je finis. Ah, oui, vous allez en entendre parler du vote utile. Le vote utile, c’est le vote futile ! C’est celui qui ne regarde rien, qui ne s’intéresse à rien, et qui se contente de l’emballage pour croire que la marchandise s’y trouve.
Le vote utile, c’est celui qui fait avancer les idées, qui organise, qui conscientise, qui discipline dans l’action, qui fait appel au meilleur de chacun pour penser et vouloir le futur. Voilà ce qu’est un vote utile pour un être libre et digne, qui se respecte et qui veut pouvoir expliquer à ses enfants, quand il prend cette décision, assis à sa table, peut être en famille – quoique le vote soit secret -, comparant les professions de foi et choisissant le bulletin de vote : pourquoi je choisis celui-ci, plutôt que celui-là, de bulletin de vote. Il faut pouvoir dire en se regardant dans la glace : je choisis ce bulletin de vote parce qu’il est bon pour ma patrie, parce qu’il est bon pour ma classe, parce qu’il est bon pour l’idée que je me fais de la dignité humaine, et pas seulement parce que je pète de trouille. Voilà ce qu’est le vote utile !
Et si ça ne suffit pas, je vais vous dire ceci : ceux qui abandonnent leurs convictions à la porte du bureau de vote, ne doivent pas s’étonner de ne pas les retrouver en sortant ! (...)
La contagion est commencée. De tous côtés, on vient vers vous. Ce n’est pas en vain, ce n’est pas pour rien que nous avons vendu deux cent mille programmes L’Humain d’abord. C’est d’abord parce qu’il y a écrit dessus « l’humain d’abord » et que ça, ça parle à tout le monde. (...)