Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Acrimed
Kiosquier, un métier à crever - Rencontre avec Pascal Clément
Article mis en ligne le 11 décembre 2012
dernière modification le 6 décembre 2012

J’adore les magazines, je trouve ça formidable. Mais je trouve qu’il y a beaucoup trop de merdes. 60 % de merdes. On ne peut plus présenter les titres. Quand j’ai commencé, il y avait 400, 500 titres. Ça s’est multiplié parce que les journaux, ça rapporte aux éditeurs. Si tu arrives à passer dans ton journal une bonne pub, qui te rapporte, ton journal est pratiquement payé avant de sortir. D’ailleurs, les magazines disent qu’ils s’en foutent de vendre, ils sont payés avant de sortir : la vente, c’est du surplus. Le fait de créer, ça te rapporte de l’argent. Les annonceurs, ce qu’ils regardent, c’est le tirage. Ce n’est pas les ventes.

(...) La presse s’est détruite toute seule : les gratuits, Internet, etc. Pourtant, mon appartement, c’est grâce à la presse que je l’ai payé. Grâce à mon travail. J’ai commencé il y a trente-six ans, un peu par hasard. Un ami de mon oncle était kiosquier, et moi je voulais travailler dans la presse. C’est lui qui m’a appris le métier.

(...) Le grand problème des kiosquiers, ce sont les invendus. Il y a 1 500 titres en kiosque, et là-dessus, plus de la moitié d’invendus. C’est honteux. Et la raison en est très simple : n’importe qui peut décider de sortir n’importe quel torchon, et Presstalis ou les MLP (Messageries lyonnaises de presse) sont obligés de le diffuser. Moi, ces torchons qui ne se vendront pas, je les reçois quand même, et j’en reçois autant que le désire l’éditeur, car ce sont les éditeurs qui fixent la quantité de journaux qu’ils veulent déposer dans les kiosques. L’éditeur est malin : il donne une quantité énorme. Parce que c’est intéressant pour lui : s’il y a un peu de publicité dedans, il appâte l’annonceur avec son tirage. Il ne dit pas les ventes, il dit le tirage. (...)

On est les plus mal payés d’Europe, mais je ne parle pas de ça. Nous, ce qu’on veut, c’est choisir nos quantités. C’est notre seul problème.
(...)

ce qu’il faut savoir, c’est qu’à chaque fois que tu rends du papier avec un peu de retard, c’est-à-dire si tu dépasses le délai d’un mois et cinq jours, le papier t’appartient  ! On doit le payer de notre poche  ! Je perds minimum par mois 40 à 50 euros à cause des oublis. Et je fais très attention  ! Mais il y en a qui perdent 40 à 50 euros par semaine. On oublie : tu prends un paquet, un client arrive, tu poses ton paquet là, un autre client arrive… Il y a tellement de journaux. Je perds parfois des paquets entiers comme ça. Ça paraît con. On a tellement de papier, c’est bourré jusqu’au plafond. (...)

Le plus souvent, ceux qui acceptent ce travail, ce sont des étrangers. Ils sont complètement exploités. On leur fait croire que c’est facile, on ne leur explique rien, on n’explique pas les débits différés, on ne leur dit pas qu’ils vont être facturés des journaux qu’ils n’auront pas rendus au bout d’un mois et cinq jours, on ne leur dit pas la fauche qu’il peut y avoir dans les kiosques, on ne leur dit pas la vérité, on n’explique pas les bordereaux, les papiers officiels, etc. Les types, on les enfonce. Et puis après, on leur fait un échéancier, on les emmerde. (...)