
La recette est simple : diaporamas, voix off robotique à la syntaxe hasardeuse, habillage imitant les chaînes d’info. Loin des "deep fakes" sophistiqués, d’innombrables vidéos "low cost" inondent internet d’infox, énième outil de la galaxie de la désinformation en ligne.
Wagner au Mali : une fausse vidéo sème la confusion
"Mali-Russie : Voici à Quoi Ressemble la Base Militaire de la Société Privée Russe Wagner à Gossi" : plus de 35.000 vues pour cette vidéo de 7 minutes publiée le 1er novembre. Après un générique siglé "Africa24 Infos" type journal télévisé, le commentaire affirme qu’une base du groupe paramilitaire russe Wagner a été inaugurée au Mali. C’est faux.
La vidéo utilise des photos sorties de leur contexte voire truquées avec des drapeaux russes rajoutés sur le cliché d’une base française.
Un clip fortement susceptible d’attiser les tensions autour d’un sujet explosif. Plusieurs pays, dont la France et les Etats-Unis, sont vent debout contre un possible recrutement de Wagner, accusé d’être à la solde du Kremlin et responsable d’exactions.
Ce genre de vidéos sont légion en Afrique, même si on en retrouve un peu partout dans le monde.
Des fake news de propagande produites à la chaîne (...)
"Ceux qui créent ces fake news n’ont besoin que d’un texte et d’un logiciel de synthèse vocale". Sans compter les logiciels de génération automatique de vidéos YouTube. Elles contiennent fréquemment des sous-titres à peine intelligibles, des incrustations ou des animations un peu kitsch...
Il en existe d’innombrables dans plusieurs langues sur des chaînes YouTube jouant avec les codes des médias traditionnels.
Leurs noms : Africa24 Infos, News Flash USA ou encore Today News Post, qui propose des vidéos de propagande anti-gouvernement chinois.
Beaucoup mélangent infox et vraies infos. Sans nécessairement relayer des éléments factuellement erronés, la plupart semblent à visée propagandiste. (...)
Des "théories du complot dont vous êtes le héros"
Publiées à un rythme industriel, ces vidéos sont systématiquement partagées sur Facebook dans des groupes comptant plusieurs dizaines de milliers de membres, démultipliant leur visibilité.
"Le format en lui-même n’est pas inhabituel. Mais qu’il soit utilisé pour des fausses informations, c’est intéressant parce que (ce que font) ces vidéos, c’est détourner votre attention avec des images", estime Shyam Sundar, qui voit dans ce format une "combinaison mortelle" en terme d’efficacité.
"Comme votre cerveau essaie d’intégrer toutes ces stimulations, vous n’allez pas vous concentrer sur l’audio spécifiquement et vous serez moins à même de repérer la désinformation (...)", explique-t-il.
"Vous êtes mentalement submergé."
(...)
Qui se cache derrière ?
"Qui est derrière ? C’est toujours difficile à découvrir", résume M. Dieguez, tant les pourvoyeurs de désinformation sont complexes à identifier et leurs objectifs divers : politiques ou financiers, ou les deux. Plus la vidéo attire de clics, de vues et d’abonnés, plus elle peut être "monétisée", autrement dit rapporter de l’argent à son auteur.
Parallèlement, certains modus operandi (jeter de l’huile sur le feu sur des sujets explosifs pour déstabiliser d’autres pays) rappellent les campagnes bien connues de manipulation politique étrangère via les réseaux sociaux (...)
Mais évidemment, "impossible d’attribuer tous ces contenus" à une entité ou un pays, ajoute la journaliste. "Et c’est tout l’intérêt !"