
Pour les écosocialistes, ce qu’on appelle « crise écologique » n’est pas une crise de l’écologie. Ce n’est pas la nature qui est en crise mais la société, et cette crise de la société entraîne une crise des relations entre l’humanité et le reste de la nature.
Selon nous, cette crise n’est pas due à l’espèce humaine en tant que telle. Elle n’est pas due en particulier au fait que notre espèce produit socialement son existence par le travail, ce qui lui permet de se développer et donne de la substance à la notion de progrès. Elle est due au mode capitaliste de développement, au mode capitaliste de production (qui inclut un mode capitaliste de consommation) et à l’idéologie du « toujours plus » productiviste et consumériste qui en découle.
Le capitalisme ne produit pas des valeurs d’usage pour la satisfaction des besoins humains mais des valeurs d’échange pour la maximisation du profit. Ce profit est accaparé par une fraction minoritaire de la population : les propriétaires des moyens de production. Ils exploitent la force de travail de la majorité sociale en échange d’un salaire, inférieur à la valeur du travail fourni.
Ces propriétaires des moyens de production se livrent une guerre de concurrence sans merci qui contraint chacun d’eux à chercher en permanence le moyen d’augmenter la productivité du travail en recourant à des machines de plus en plus perfectionnées. Le « productivisme » (produire pour produire, qui implique de consommer pour consommer) est donc une caractéristique congénitale du capitalisme. Le capitalisme implique l’accumulation. L’économiste bourgeois Joseph Schumpeter l’a dit très simplement : « Un capitalisme sans croissance est une contradiction dans les termes » (...)
inévitablement, l’accumulation capitaliste entraîne simultanément l’exploitation accrue du travail humain et le pillage accru des ressources naturelles. (...)
tant qu’il y a de la force de travail à exploiter et des ressources naturelles à prélever, le capital peut continuer à s’accumuler en appauvrissant, en détruisant ce que Marx appelait « les deux seules sources de toute richesse : la Terre et le travailleur ».
D’une manière générale, la seule alternative concevable au capitalisme est un système qui ne produit pas des valeurs d’échange pour la maximisation du profit des capitalistes mais des valeurs d’usage pour la satisfaction des besoins humains réels (c’est-à-dire non corrompus par la marchandisation), démocratiquement déterminés. Un système dans lequel la collaboration remplace la concurrence, la solidarité remplace l’individualisme et l’émancipation élimine l’aliénation. Or, un tel système – plus qu’un système : une nouvelle civilisation- correspond à la définition théorique d’une société socialiste. Je le répète : en termes généraux, il n’y a pas d’autre alternative concevable.
Les écosocialistes tentent de répondre en proposant des revendications qui répondent à la fois aux besoins sociaux du monde du travail et aux besoins écologiques (notamment la réduction drastique et rapide des émissions de gaz à effet de serre qui est indispensable pour stabiliser le système climatique). (...)
L’écosocialisme peut se résumer comme une volonté de faire converger les luttes sociales et environnementales à partir de la compréhension que l’austérité et la destruction écologique sont les deux faces d’une même médaille : le capitalisme productiviste. Défini de la sorte, il s’agit d’un concept ouvert, susceptible de déclinaisons stratégiques et programmatiques différentes. De fait, il y a aujourd’hui plusieurs variétés d’écosocialismes. (...)