
(...) Il y a aujourd’hui quelques 8.600 km d’autoroutes en France, soit l’équivalent de la distance de Paris à Bogota ! Et le nouveau Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT) prévoit d’en rajouter 879 km. Dans les réseaux militants, on s’exaspère, on peste et on se désole. Car on est bien loin, une fois de plus, des engagements du Grenelle en matière de report de la route vers le rail (1), de réduction de 20% des émissions de CO2 dans les transports (2), de préservation des espaces naturels et d’aménagement du territoire, sans parler d’anticipation du pic pétrolier... Alors qu’est ce qui fait courir les autoroutes ?
Le fric ! Les autoroutes en France sont majoritairement gérées par trois groupes privés : Vinci, Eiffage et l’espagnol Abertis. C’est le gouvernement de Villepin qui a conclu l’opération de bradage en 2006, contre l’avis de la majorité des Français (3). Résultat, alors que les investissements de départ ont été pris en charge par les contribuables, ce sont aujourd’hui les multinationales qui ramassent la mise. Sans compter que plus de 95% de leur chiffre d’affaires provient des péages, c’est à dire de nos poches.
(...) Argent public confisqué, détérioration des conditions de travail, course aux profits... Qu’à cela ne tienne, les nouveaux tronçons sont désormais envisagés directement en concession privée, Castres-Toulouse par exemple.
Las, pour les intérêts capitalistes, rien n’est jamais assez. Alors le Ministre Borloo, en janvier 2010, décide de faire un cadeau supplémentaire aux gourmands appétits : un an de concession gratuite, en échange d’investissements dits écologiques, qui auraient été réalisés de toute manière : "l’éco-rénovation des aires de repos, inspirée de la HQE" ou le "péage sans arrêt", censé faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, qui sert surtout à faire passer plus de voitures et ainsi augmenter encore les recettes des péages.
Et tout ceci se fait dans dans l’opacité la plus totale. (...)
Captifs, nous le sommes dès que nous rentrons sur l’autoroute. Ou plutôt captés. La CNIL a en effet autorisé cet été ASF, filiale de Vinci, à utiliser un « dispositif de lecture et de reconnaissance automatisées des plaques minéralogiques ». Le système LAPI (lecture automatisée de plaques d’immatriculation) a initialement été mis au point pour le repérage des véhicules volés ou suspects dans le cadre de la loi de lutte contre le terrorisme du 23 juillet 2006. Son plus gros fabricant n’est autre que Sagem Defense Securité, du groupe Safran, expert de l’identification biométrique et des cartes à puces, qui fournit également les radars fixes. (...)
Et comme si cela ne suffisait pas, Réseaux Ferrés de France offre également à Vinci la concession exclusive de la nouvelle ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux pour 2016. C’est la première ligne ferroviaire confiée à un groupe privé en France. C’est ainsi que bientôt, que vous preniez le train, la voiture ou l’avion, vous contribuerez aux 833.334 euros de revenu mensuel de Xavier Huillard, PDG de Vinci... 41.000 euros par jour, tout de même.
Lieux de pouvoirs et de collusions, mais aussi de luttes écologiques et sociales, les autoroutes méritent bien qu’on y mette notre grain de sel. (...)