
A priori l’Europe est une bulle de fonctionnaires à Bruxelles, déconnectée des gilets jaunes. Pourtant, écouter leurs revendications pourrait sauver l’Europe au lendemain d’un Brexit désastreux dont beaucoup font les frais, moi en premier. J’ai fait cette année le tour de 25 départements en France pour trouver des solutions à nos problèmes en Europe, je voudrais partager ici quelques réflexions.
Contrairement à ce qu’on nous dit souvent, l’Europe est au cœur des revendications des gilets jaunes. L’euro nous a protégés de l’inflation et des attaques étrangères mais aussi du prix du baril, qui serait bien plus élevé avec le franc. La régulation contre la spéculation dangereuse des banques, qui sont de plus en plus obligées de coopérer avec nos États pour protéger les petits épargnants et plafonner les bonus des traders dans les salles de marché, est un autre exemple concret. Régulièrement dans les tribunaux, nos droits européens fondamentaux nous protègent des dérives, toujours possibles, de la police. Nos propres syndicats ont été défendus par la Cour de Justice de l’UE, par exemple dans l’arrêt CGT/Castorama sur le travail dominical dans l’Aisne.
Seulement, nous pourrions faire bien plus au niveau européen : protéger les travailleurs du dumping social, comme récemment avec la réforme sur les travailleurs détachés. Avoir un grand budget européen pour, par exemple, agir face aux délocalisations avec un fond d’ajustement à la mondialisation décuplé, ou encore protéger nos industries face aux investissements chinois dans les secteurs stratégiques.
L’Europe actuelle ne fait pas assez. (...)
Nous devons non seulement augmenter les aides pour les voitures électriques mais également construire un « Airbus des batteries », c’est à dire un champion industriel européen pour être réellement indépendant de la Corée du Sud et de la Chine.
Pour cela, il faut renforcer l’intégration européenne avant qu’il ne soit trop tard pour nos industries, trop tard pour les gilets jaunes.
En dépit des apparences, l’Europe et les gilets jaunes ont des ennemis communs : Trump. Champion de la défiscalisation des multinationales, fossoyeur des aides publiques aux plus démunis, il ne partagera pas ses milliards avec les gilets jaunes. Son soutien à ce mouvement, comme au Brexit, est dû à sa peur d’une Europe forte et indépendante, fondée sur des valeurs qui ne sont pas les siennes : un haut niveau de protection sociale et environnementale.
En France aussi, les voix des extrêmes veulent récupérer les gilets jaunes, particulièrement l’extrême droite. Or les 25 députés européens élus sur la liste de Marine le Pen ont brillé par leur absence – presque aucune permanence locale, alors qu’ils reçoivent un budget à cette fin. Emplois fictifs par dizaines, fraudes fiscales, votes contraires à l’intérêt national. En octobre dernier par exemple, le Parlement européen proposa un vrai budget d’aide publique pour l’achat de voitures électriques. Les FN/RN et Patriotes s’y opposèrent. Les Français ne le savent pas, mais en fait ils votent pour l’évasion fiscale au niveau européen, contre un renforcement de la coopération entre nos administrations nationales pour taxer les exilés fiscaux. Contre toute solution ! Le premier groupe représentant les Français au Parlement européen n’a donc rien apporté aux gilets jaunes. (...)
Les vraies dérives autoritaires comme en Hongrie où universités, journalistes et associations ne peuvent plus travailler librement, sont une réalité qui rappelle la fragilité de nos démocraties. N’oublions jamais notre histoire.
Il nous faut donc trouver des solutions pour les gilets jaunes avec des mouvements ouverts à la négociation.(...)
Nous avons deux grands défis pour aider les gilets jaunes en France et en Europe. D’abord il faut s’opposer à la réélection des eurodéputés FN/RN aux européennes du 26 mai 2019, ensuite il faut que tous les mouvements pro-européens s’engagent à travailler pour trouver des solutions européennes. Nos décisions à l’encontre des multinationales et des évadés fiscaux seront toujours plus efficaces si nous les prenons ensemble à 28 plutôt que seulement par la France. (...)