
La France produit moins d’électricité solaire que... l’Angleterre. Pire encore, la puissance raccordée stagne. L’auteur de cette tribune explique les raisons de ce retard français : une politique tarifaire inadaptée et des subventions qui favorisent les gros projets, alors qu’il faudrait soutenir les petites installations.
Artisan solaire à la retraite, je suis effaré de constater en France le faible développement de l’électricité renouvelable et la réduction du nombre d’installations solaires, alors que ce devrait être le contraire. Ainsi en 2016, l’électricité renouvelable a couvert 38,7 % de la consommation en Espagne, 33,8 % en Allemagne, 33,4 % en Italie, et seulement 19,6 % en France [1].
Alors que l’Allemagne possède une puissance installée de 50 gigawatts (GW) en éolien et de 40 GW en photovoltaïque, la France possède 11,7 GW en éolien et 6,8 GW en photovoltaïque, soit 4,3 et 5,9 fois moins… bien que nous possédions des gisements supérieurs en vent et en soleil. En solaire, avec 360.000 installations, nous sommes moins bien placés que l’Italie (20 GW), et même que le Royaume-Uni (11 GW, avec 900.000 installations), ce qui semble franchement paradoxal. Enfin, si l’éolien représente 4,3 % de notre consommation d’électricité, le photovoltaïque n’en représente que 1,7 %.
Bien que notre retard soit considérable avec les quatre grands pays moteurs en Europe, nous constatons sur le graphe « Évolution de la puissance raccordée » ci-dessous notre stagnation, car en 2016 nous retrouvons le niveau de 2010. (...)
Ce recul s’explique par la dégressivité des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque depuis 2011, par la sortie de ces installations du dispositif du crédit d’impôt en 2013, mais aussi par l’action d’écodélinquants proposant à des prix très élevés des installations souvent défectueuses.
C’est le consommateur final qui est obligé de payer (...)
Autre déconvenue, bien que depuis le 20 septembre 2016 Enercoop soit désormais éligible à l’obligation d’achat solaire, ne sont autorisés que 75 contrats pour une puissance installée totale de 100 MW. Les particuliers souhaitant vendre leur électricité à Enercoop sont donc majoritairement exclus.
En réalité, le marché du photovoltaïque est dominé par les installations de plus d’1 mégawatt, qui représentent dix fois plus de puissance raccordée que pour le résidentiel. Ces grandes installations rentrent dans le cadre d’appels d’offres du ministère de l’Environnement portant en particulier sur le prix d’achat de l’électricité fixé par les candidats de chaque projet. Si les appels d’offres permettent officiellement de faire jouer la concurrence, la corruption et la fraude, régulièrement dénoncées, comme le favoritisme, les ententes, et les pactes de corruption ne sont pas exclus. (...)
Ces projets très rentables assurent un revenu garanti, aussi les établissements financiers se sont engouffrés dans ce marché sans risque. C’est le consommateur final qui est obligé de payer. (...)
Le financement des installations hors standard satisfait nos politiques, qui peuvent s’enorgueillir d’inaugurer des installations « remarquables ». Par contre, nous produisons une électricité chère qui, à investissement égal, produit jusqu’à 4 fois moins d’électricité verte, ce qui va à l’opposé du but initial. En outre, si cette « privatisation » de la production d’électricité ne représente aucun effort financier de l’État, il se traduit par un surcoût pour les consommateurs par le biais de la CSPE, qui croît sans cesse, et on comprend aisément pourquoi. (...)