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Mediapart
L’affaire des fichiers sauvages de manifestants gardés à vue rebondit
#democratie #fichiers #repression #droits
Article mis en ligne le 12 mai 2023

(...) deux requêtes en référé-liberté. Elles seront plaidées lundi 15 mai à 10 h 30 – Lille abritant l’un des tribunaux judiciaires où, selon notre enquête, le parquet a eu recours à l’utilisation de ces fichiers clandestins.

Ces trois organisations demandent l’arrêt immédiat de l’utilisation de ces fichiers, ainsi que leur destruction ou leur placement sous séquestre, voire l’envoi à toutes les personnes fichées à leur insu d’informations sur leur situation, et sur les droits et recours dont elles disposent (saisine de la Cnil ou dépôt de plainte).

(...) La requête en référé de la Ligue des droits de l’homme, rédigée par les avocats Marion Ogier et Lionel Crusoé, insiste sur l’illégalité manifeste que constituent ces fichiers non autorisés et non déclarés. Ces fichiers créent une atteinte grave et disproportionnée aux libertés fondamentales, dont le respect de la vie privée, de la liberté d’expression et de la liberté de manifester, soutiennent les avocats de la LDH.

« Il faudrait un décret et un arrêté ministériel pour que ces fichiers aient une existence légale », déclare Marion Ogier, sollicitée par Mediapart. « On ne peut pas ficher les gens comme ça sur un coin de table. Là, nous n’avons aucune garantie. Quelles sont les données ? Combien de temps sont-elles conservées ? Qui y a accès ? Qui exerce un contrôle de ces fichiers ? », demande l’avocate.

La requête du Syndicat des avocats de France et de l’Association de défense des libertés constitutionnelles, à laquelle s’est joint un manifestant gardé à vue, développe elle aussi plusieurs arguments juridiques sur l’atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que constituent ces fichiers sauvages. Ces fichiers relèvent de la loi du 6 janvier 1978 sur l’informatique et les libertés, qui interdit le traitement de données révélant les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne (sauf en cas de nécessité absolue et sous réserve de garanties appropriées), soutient notamment l’avocat Jean-Baptiste Soufron, qui a rédigé la requête. (...)

La décision du tribunal administratif de Lille est très attendue par les défenseurs des libertés et au sein du monde judiciaire. Il devra notamment se positionner sur le caractère d’urgence des requêtes déposées, qui insistent sur l’utilisation continue de ces fichiers clandestins depuis trois mois.

Surtout, il est demandé au juge administratif de contraindre un magistrat judiciaire, en l’occurrence la procureure de la République de Lille, à remettre ses fichiers à une autre autorité que l’autorité judiciaire, ou de les détruire. Le tribunal administratif acceptera-t-il de jouer ce rôle de défenseur des libertés fondamentales, et de se confronter au judiciaire ? Dans tous les cas, le débat s’annonce très intéressant. (...)

En théorie, seules les affaires dites « signalées », c’est-à-dire sensibles politiquement, économiquement ou médiatiquement, font l’objet de rapports nominatifs qui remontent à la haute hiérarchie judiciaire et à la Chancellerie.

Questionnée à plusieurs reprises par Mediapart, la procureure de la République de Lille, Carole Étienne, n’avait pas donné suite. Également contacté, son supérieur hiérarchique, le procureur général près la cour d’appel de Douai, Frédéric Fèvre, n’avait pas souhaité s’exprimer.

Quant au ministère de la justice, questionné par Mediapart, il avait évoqué seulement des initiatives locales (...)