
Pompage excessif des nappes souterraines, poids des constructions, sécheresse… Partout dans le monde, des villes entières s’enfoncent dans le sol à une vitesse vertigineuse. Des chercheurs viennent d’établir une carte mondiale des zones les plus à risque. Avec notre classement exclusif des pays les plus touchés.
Inexorablement, le sol s’affaisse sous nos pieds. Aux Pays-Bas, 25 % du territoire est déjà sous le niveau de la mer et Jakarta, en Indonésie, s’enfonce au rythme de 2,5 mètres par décennie dans certaines parties de la ville. Si les situations locales sont bien connues, le phénomène est mal évalué au niveau mondial. Une nouvelle étude parue le 1er janvier dans la revue Science vient de calculer que le tassement du sol affectera 635 millions de personnes d’ici 2040, soit 19 % de la population mondiale. Avec ses collègues, Gerardo Herrera-García, expert en risques géologiques du département de la recherche géoscientifique et de la prospective de l’Institut géologique et minier d’Espagne (IGME) et principal auteur de l’étude, a recensé les études scientifiques dans le domaine et trouvé jusqu’à 200 exemples d’affaissement des sols dans 34 pays. (...)
Une ville abandonnée par ses habitants
À Venise, le sol composé de boue et de vase, s’enfonce chaque jour un peu plus. On constate par endroits un enfoncement de 0,8 mm à 10 mm par an. À Téhéran, la capitale iranienne, le sol s’affaisse de 25 cm annuellement. Un autre exemple, peut-être moins connu, se trouve dans la ville de Berezniki, en Russie. En raison de la proximité et de la surexploitation d’une mine de sel, la ville est trouée comme un fromage par de nombreux gouffres, qui ont été remplis d’eau de pluie et sur lesquels la ville s’écroule littéralement. Le cas de Berezniki - que ses habitants ont été contraints d’abandonner - incarne parfaitement le problème auquel des millions de personnes dans le monde seront confrontées au cours des prochaines décennies.
Les facteurs de cet affaissement sont multiples. Dans la plupart des cas, c’est un pompage excessif des aquifères qui crée des cavités souterraines et favorise l’enfoncement du sol. À Venise ou Jakarta, on dénonce aussi le poids croissant des constructions, qui exercent une contrainte écrasante sur un sol déjà peu stable. La sécheresse et le réchauffement climatique sont des facteurs aggravants. (...)
Les auteurs de l’étude de Science ont développé un modèle identifiant les vulnérabilités d’une zone en fonction des inondations ou de l’épuisement des eaux souterraines causé par les activités humaines, et publié une carte mondiale du danger d’affaissement du sol. Les zones les plus concernées sont celles qui connaissent une importante pression démographique, avec pour conséquence de très gros besoins en eau, ainsi que celles soumises à la sécheresse et nécessitant une irrigation croissante. Entre 2010 et 2040, le risque sera ainsi accru de 80 % aux Philippines, en Irak, en Indonésie, en Israël, aux Pays-Bas ou en Algérie. L’affaissement restera modéré (moins de 30 %) en Chine, aux États-Unis ou en Italie. Il devrait même diminuer au Japon et en Allemagne, grâce à des politiques volontaristes et à une baisse de la population.
Stopper l’affaissement des sols, c’est possible ! (...)