
La France voit arriver chaque année davantage de mineurs isolés
étrangers dont certains entrent en apprentissage. Les CFA d’accueil
se sont réorganisés en conséquence. Trois d’entre aux exposent
ici les solutions qu’ils ont mises en oeuvre et témoignent des qualités
de ces jeunes étrangers.
Du Mali, du Sénégal, de Guinée, d’Afghanistan, du Bangladesh… Trois CFA situés dans le Morbihan, l’Eure et les Hauts-de-France forment désormais des migrants. Ces “mineurs non accompagnés étrangers” (migrant n’étant pas une catégorie administrative) ont pour point commun d’avoir moins de 18 ans ; de venir d’un pays étranger ; d’être sous la responsabilité du Département ; de disposer d’une autorisation de travail (délivrée par le Département) ; d’être apprentis, en général dans la restauration et le bâtiment, et d’être très motivés (...)
Leur nombre a progressé au fil des années, au point que ces CFA ont dû adapter leur offre de formation. Ainsi, le CFA de la Chambre de métiers du Morbihan, situé à Vannes, a inscrit un mineur non accompagné (MNA) en 2014, 17 nouveaux en 2015, 27 en 2016, 51 en 2017, et 35 en 2018. Au total, ce CFA comptait 60 MNA en 2018. Cela ne représente que 4 % de ses effectifs, mais concentrés dans les filières cuisine et boulangerie.
Regroupement
“Les deux premières années, les MNA étaient mélangés avec les autres apprentis, ils bénéficiaient d’un accompagnement en français et ils étaient dispensés de certaines matières”, raconte Bertrand Pério, responsable pédagogique du CFA de la Chambre de métiers du Morbihan. Depuis 2016, les cours de français sont dispensés par l’Université de Bretagne Sud. Les MNA francophones sont aussi concernés, car “ils ne maîtrisent pas toujours l’écrit, or les enseignements et les examens sont souvent écrits”, explique Bertrand Pério. À partir de 2016, l’augmentation du nombre de mineurs isolés étrangers “a eu un effet sur la capacité d’enseignement des professeurs”, déclare-t-il.
Aussi, en 2017, le CFA a décidé de regrouper les MNA. Il compte aujourd’hui deux classes de CAP cuisine et une classe de CAP boulangerie exclusivement composées de MNA. “Il a fallu créer un dispositif équilibré, permettant aux MNA d’étudier dans de bonnes conditions mais sans que cela impacte le parcours des autres apprentis”, analyse
rétrospectivement Bertrand Pério (...)
Cette augmentation du nombre de MNA dans les CFA s’explique par des raisons géopolitiques mais aussi par une “structuration de l’offre d’accompagnement dans les Départements”, analyse Bertrand Pério. Pour encadrer les MNA, certains Départements font appel à des associations qui, au fil du temps, repèrent les CFA susceptibles d’accueillir les mineurs. Ces derniers peuvent aussi être adressés aux CFA de l’Éducation nationale. Leur apprentissage est hypothéqué par l’accès à des papiers, assez compliqué. (...)
Selon ces CFA, ces mineurs isolés étrangers sont des apprentis modèles. “Ils n’attendent que de travailler et sont prêts à faire des kilomètres à vélo pour cela. Pour avoir traversé la mer en bateau, ils n’ont pas le même rapport à la mobilité que les autres apprentis”, témoigne Sabine Briendo, coordinatrice du dispositif “Initiative pour l’emploi des jeunes” (IEJ) pour les Hauts-de-France – qui intervient notamment au CFA Jean-Bosco. L’IEJ est un programme européen visant à intégrer des jeunes en difficulté dans le marché du travail, notamment les MNA. 51 étaient dans ce programme dans les périmètres de Bailleul, Armentières et Arras (Hauts-de-France) l’année dernière. 20 d’entre eux ont signé un contrat d’apprentissage, majoritairement dans la restauration et le bâtiment. 28 ont repris une scolarité, et trois sont toujours en accompagnement.
Karima Gomez confirme la qualité de ces élèves, de même que Bertrand Pério. “Ces jeunes ont une relation au maître telle qu’elle existait encore en France il y a quelques années. (...)