
Envoyer l’armée dans les quartiers, et pourquoi pas, demain, dans les hôpitaux ? Riche idée…du moins pour un grand nombre de médias. A la faveur d’une succession de faits divers, cette martiale idée, d’abord soutenue par une poignée d’élus, a fait son chemin médiatique. Et quand sondages officiels, pseudo-enquêtes maison et éditocrates sont au diapason, le cocktail est forcément explosif.
Tout avait commencé en juin 2011 lorsque Stéphane Gatignon, maire de Sevran (Seine Saint-Denis), avait réclamé l’intervention de « forces d’interposition, des casques bleus, comme ceux qu’on envoie à l’étranger pour empêcher les belligérants de s’entre-tuer » afin de restaurer le calme dans certains quartiers de sa commune.
Un an plus tard, à l’été 2012, Samia Ghali, maire du 8e secteur de Marseille et sénatrice socialiste des Bouches-du Rhône, suggère à son tour de recourir à l’armée pour apaiser les tensions dans la cité phocéenne. À l’époque, les médias étaient restés (relativement) mesurés, surtout après que l’exécutif a clairement écarté cette option. Ils se contentèrent de relater cette proposition très minoritaire et la fin de non-recevoir que le pouvoir en place lui opposa.
Une année passe et en 2013, le chœur médiatique est presque à l’unisson pour relayer cette même proposition. Pour les défenseurs de cette idée, les médias sont un allié inespéré car ces derniers, en s’appuyant notamment sur force sondages, contribuent largement à crédibiliser cette hypothèse.
Sondeurs de tous les pays, unissez-vous… (...)
Bref, la recette est simple : prenez un fatras de chiffres plus ou moins vérifiés et vérifiables, des médias à l’unisson pour amplifier une idée discutable et quelques éditocrates patentés pour finir de convaincre les sceptiques, et le tour est joué.
Aux yeux d’une cohorte de médias, l’armée devient donc bonne à tout faire : ramener l’ordre dans les « quartiers chauds », mettre fin au trafic de drogue, sécuriser les hôpitaux, et bien plus encore. Alors qu’au départ, seules quelques voix isolées prônaient ce type de mesures « radicales », on voit la machine médiatique s’emballer et des journalistes, les uns après les autres, serrer les rangs. Quand la classe politique se divise, des médias, eux, se mettent au garde-à-vous.