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L’attentat de Boston : Chronique d’une compassion sélective
Article mis en ligne le 11 mai 2013

Lundi 15 avril 2013, 14h50, heure locale. En une frac­tion de seconde, l’atrocité abso­lue vient éclip­ser la jubi­la­tion col­lec­tive ; les cris de ter­reur sup­plantent la cla­meur enjouée, en un bat­te­ment de coeur. Une pre­mière défla­gra­tion reten­tit. Puis, une deuxième. Deux bombes arti­sa­nales viennent d’exploser en pleine foule, semant le chaos à quelques mètres de l’arrivée du mara­thon de Bos­ton. D’un souffle, trois vies sont empor­tées et une cen­taine de per­sonnes bles­sées1.

L’horreur de cet évène­ment enva­hit la Toile et ses réseaux sociaux.

Il ne fau­dra que quelques minutes pour que les témoi­gnages de com­pas­sion affluent des quatre coins du monde occi­den­tal, et même au-delà. (...)

Ce même lundi, 55 Ira­kiens meurent dans une série d’attentats san­glants2. On déplore égale­ment près de 300 bles­sés. Et ces chiffres ne sont valables que pour la jour­née du lundi. Depuis, des atten­tats dévas­ta­teurs conti­nuent de déchi­rer le pays du Tigre et de l’Euphrate3. Pour­tant, force est de consta­ter que la même vigueur émotion­nelle n’a pas été déployée par les chantres de l’humanisme, si éloquents au sujet de l’attentat de Bos­ton. Les réseaux sociaux sont muets, et pour cause, les médias relayent l’information avec bien moins d’insistance, lorsqu’ils le font. Une telle dis­pa­rité a de quoi choquer. (...)

Ce n’est pas sim­ple­ment le dés­équi­libre dans l’exposition média­tique entre les atten­tats de Bos­ton et d’autres évène­ments tra­giques qui est ici en cause, mais égale­ment une dif­fé­rence de réso­nance chez le citoyen occi­den­tal lambda, eu égard à son iden­tité eth­no­cen­trée. En d’autres termes, on est cer­tai­ne­ment en pré­sence d’un phé­no­mène qui relève de la proxi­mité, voire de l’identification, cultu­relle. Il est, pour un Euro­péen, plus aisé de se mettre dans la peau d’un Amé­ri­cain, lequel a un mode de vie rela­ti­ve­ment simi­laire. “Ça aurait pu être moi”, songe-t-il en plein tour­ment. A l’inverse, il se sent émotion­nel­le­ment déta­ché de ce qu’il se passe en Irak, un pays dont il ne sait fina­le­ment rien. (...)

un troi­sième fac­teur doit être sou­li­gné. Pour nombre d’Occidentaux, l’attentat de Bos­ton peut revê­tir une por­tée émotion­nelle par­ti­cu­lière en rai­son de l’anormalité d’une telle tra­gé­die à leurs yeux. Impen­sable ! Pétris d’opinions pré­con­çues à l’égard des “bar­bares du Sud”, ou sim­ple­ment las­sés par d’autres évène­ments pour­tant dra­ma­tiques en rai­son de leur fré­quence, ils ont ten­dance à trou­ver l’acte ter­ro­riste de Bos­ton plus cho­quant que ceux qui ont endeuillé l’Irak, ces der­niers étant “au fond” le pain quo­ti­dien des Ira­kiens. Mais évidem­ment, la récur­rence de tels évène­ments dans un pays n’en atté­nue en rien la tris­tesse, bien au contraire. (...)

Mal­gré l’injustice criante de cette com­pas­sion sélec­tive, l’attentat de Bos­ton n’en demeure pas moins un véri­table drame, face auquel il est légi­time d’être bou­le­versé. Nous pour­rions, devrions, tou­te­fois en tirer des leçons. C’est pré­ci­sé­ment cette empa­thie “intra-Occident” qui pour­rait, devrait, ser­vir de point d’entrée à une empa­thie plus large, plus juste. S’il est regret­table qu’il faille qu’un pays du Nord soit frappé pour que l’on s’émeuve dans les chau­mières occi­den­tales, cet élan com­pas­sion­nel contient les germes d’une véri­table com­mi­sé­ra­tion huma­niste, uni­ver­selle et glo­bale. Une fois la sen­si­bi­lité éveillée, une fois la peine par­ta­gée, les souf­frances d’autrui, qui que ce soit, ne peuvent nous lais­ser indif­fé­rents. Notre com­pas­sion ne devrait pas être sélective.