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L’autoconsommation collective d’électricité bridée par l’État
Article mis en ligne le 12 janvier 2019
dernière modification le 9 janvier 2019

Autoconsommer collectivement son électricité paraît un excellent moyen vers la réappropriation de l’économie locale par les citoyens. Dans les faits pourtant, comme l’explique notre chroniqueur, le cadre légal français contraint beaucoup les initiatives.

La loi du 24 février 2017 et son décret d’application du 28 avril 2017 permettent à plusieurs producteurs et consommateurs d’électricité voisins de se regrouper au sein d’une seule personne morale pour consommer collectivement — « autoconsommer » — l’électricité produite. Par exemple, l’électricité produite sur les toits d’un collège pourrait être partagée avec un centre commercial proche ; ou celle d’un ensemble d’habitations et de locaux professionnels pourrait l’être entre tous les occupants. Sur le papier c’est un pas vers la réappropriation de l’économie locale par les citoyens à l’échelle d’un quartier ou d’un hameau et les avantages de produire et consommer localement son énergie sont grands en matière d’économie d’infrastructure, d’emplois, et de qualité de la vie sociale. En pratique, il en va autrement : le cadre légal français de l’autoconsommation collective, avantageux mais trop contraignant, risque de freiner les projets d’initiative citoyenne stricto sensu et de les réserver à des structures professionnelles, aménageurs, syndicats d’électrification, bailleurs sociaux, promoteurs immobiliers, fournisseurs l’électricité. (...)

’électricité produite par les uns et consommée par les autres doit passer par le réseau public, et en supporter les coûts. L’autoconsommation entre voisins est de surcroît considérée comme une vente, et doit supporter les taxes et contributions relatives à la vente d’électricité, dont le Turpe (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité), la CSPE (contribution aux charges de service public de l’électricité), la TCFE (taxes locales et départementales), la TVA sur les consommations et sur l’abonnement et, subtilités françaises kafkaïennes, la TVA sur les taxes et la CTA, qui finance les retraites des entreprises historiques de l’industrie électrique et gazière [1]. Les comptages sont faits par le gestionnaire du réseau, Enedis, et transmis au fournisseur d’électricité de chacune des parties prenantes.

Ce qu’il faut comprendre aussi de l’autoconsommation collective est qu’il ne s’agit pas de déduire globalement de la facture d’électricité les kilowattheures (kWh) injectés sur le réseau dans l’hypothèse d’une possible consommation par le voisinage mais bien de comptabiliser les kWh effectivement consommés par les parties prenantes au moment de leur production. Il n’y a donc pas d’autoconsommation si on produit de l’électricité le jour sur son toit, qu’on l’injecte sur le réseau public qui agît comme un réservoir virtuel, et que le boulanger voisin la consomme la nuit. La loi vise à favoriser des projets où les consommations et les productions s’équilibrent en temps réel et donc à soulager le réseau dans un contexte d’augmentation des consommations. (...)

Pionnier du solaire depuis presque 40 ans, André Joffre, fondateur du bureau d’études indépendant Tecsol et président du pôle de compétitivité Derbi dédié au développement des énergies renouvelables, ne voit pas « comment on aurait pu faire [l’autoconsommation collective] plus compliquée » et il souligne l’intérêt de quelques entreprises à ralentir les choses. Il rappelle que l’électricité solaire devient compétitive face aux autres moyens de production et que « tôt ou tard cette réalité économique s’imposera ». André Joffre souligne aussi que la nouvelle directive européenne Énergies renouvelables, adoptée le 27 juin 2018, exclut les contributions de type Turpe et CSPE des projets de petite taille (inférieurs à 30 kW) et qu’il faudra modifier le cadre français de l’autoconsommation collective [2].

Mais en l’état de la réglementation, l’autoconsommation collective est-elle malgré tout intéressante ? Oui, répond André Joffre, notamment dans les zones d’activités où, outre l’économie générée (de l’ordre de 30 %), un projet collectif de centrale solaire crée aussi du lien social. Le pionnier du solaire imagine aussi des méthodes originales de financement de l’autoconsommation collective dans le logement social. Et, au-delà, il anticipe le développement de technologies de réseaux virtuels sur les réseaux publics, technologies au marché formidable dans un contexte où l’électricité solaire couplée au stockage par batterie sera très prochainement compétitive dans une grande partie du monde face à tout autre moyen de production.

Précisons enfin que l’autoconsommation collective ne s’applique pas qu’au solaire photovoltaïque (...)