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L’économiste Thomas Piketty au JDD : « Emmanuel Macron ment aux Français »
Article mis en ligne le 12 juin 2022

Avec près de 170 économistes, vous avez signé une tribune de soutien au programme économique de la Nupes. Pourquoi ?
Je précise d’emblée que je ne suis membre d’aucun parti, qu’aucun programme n’est parfait, et que chacun soulève des questions. Il reste que celui de la Nupes est le seul à proposer un plan d’investissement dans l’écologie, la santé, l’éducation, financé non pas par l’inflation ou la dette, mais par les plus hauts revenus et patrimoines.

Ce choix assumé reste le seul permettant de limiter la hausse des prix tout en finançant les revalorisations des soignants, des enseignants, des bas salaires ainsi que la transition écologique. Les 500 plus grandes fortunes de France ont vu leur richesse passer de 200 à 1 000 milliards d’euros entre 2010 et 2022, c’est-à-dire de 10 % à 40 % du PIB ! C’est sans commune mesure avec l’évolution des salaires. Il faut rééquilibrer les choses. (...)

Que vous inspirent les critiques sur son manque de crédibilité ?
Ce programme est beaucoup plus sérieux budgétairement que celui d’Emmanuel Macron . En prétendant que personne ne paiera le quoi qu’il en coûte, Macron ment aux Français. Car les plus pauvres le financent déjà via l’inflation. Au passage, le président affirme réduire les impôts alors qu’il a prolongé de dix ans la contribution pour le remboursement de la dette sociale, soit 70 milliards qui pèseront sur les revenus des Français. L’inflation est l’impôt déguisé de Macron. Elle joue comme une taxe de 5 % qui frappe la consommation quotidienne, mais aussi la petite épargne de ceux qui ont travaillé dur. Face à cela, la Nupes est plus transparente en annonçant un impôt progressif pour les plus riches, sur les patrimoines, les successions. Évidemment, ça n’est jamais agréable d’en payer plus. Mais le sérieux budgétaire commande de dire la vérité aux Français. L’endettement ne peut être éternel. Les priorités sociales, il faut les financer par l’impôt, le plus juste possible.

Ça n’est pas Mélenchon qui a créé l’inflation ! (...)

S’agissant de l’énergie, on aurait dû passer depuis longtemps à un système de prix régulés. Avoir des tarifs qui font le yoyo tous les six mois, c’est catastrophique pour les ménages et inefficace d’un point de vue climatique. Vu sa capacité d’emprunt, l’État a les moyens d’encaisser ces chocs à la hausse et à la baisse.

Il faut créer une contribution généralisée sur la fortune sur le modèle de la CSG (...)

L’Institut Montaigne pointe un coût de 80 milliards d’euros par an…
Agiter des peurs irrationnelles face à l’arrivée de la gauche au pouvoir est un grand classique de l’histoire de France. Ce chiffrage est très contestable, il ignore notamment les économies faites sur l’assurance chômage. Dans la proposition de la Nupes, il faut 40 annuités pour avoir une retraite pleine. Pour ceux qui ont fait des études longues, il faudra donc attendre 63, 64, 65 ans, suivant l’âge d’entrée dans la vie active et les interruptions de carrière. Par contre, pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, par exemple à 20 ans, ils pourront partir à 60 ans, ce qui n’est que justice. Faut-il passer à 41 ou 42 annuités pour les plus hauts salaires ? Pourquoi pas. Mais pour ceux qui ont démarré tôt, 40 annuités, ça suffit. Avec Macron, c’est tout l’inverse. (...)

La réforme Macron, c’est un impôt caché sur les Français ayant une faible espérance de vie. Ce scénario ne pourra jamais être accepté, on risque une crise des Gilets jaunes puissance 10. (...)

Ne redoutez-vous pas une fuite des capitaux et des entreprises en les taxant plus ?​
Les entreprises réclament d’abord de la clarté, des investissements dans l’éducation, les infrastructures. S’il suffisait de baisser les impôts pour devenir un pays prospère, les plus riches seraient la Bulgarie et la Roumanie, qui ont un taux d’imposition parmi les plus faibles en Europe.