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L’écosocialisme est bien plus qu’une stratégie : un projet de civilisation
Article mis en ligne le 2 mars 2017

Alexandre Alexandre Araújo Costa – Pendant longtemps, les organisations de gauche n’ont pas accordé beaucoup d’attention aux questions environnementales en général, mais au moins depuis le 15e Congrès, la Quatrième Internationale semble s’inquiéter de plus en plus de la dite « crise écologique ». Qu’est ce qui a changé ?

Daniel Tanuro – En effet, la plupart des organisations de gauche ont manqué le rendez-vous dans les années 1960, quand la dite « crise écologique » a émergé comme une nouvelle question d’intérêt social général (on peut d’ailleurs fixer une date symbolique de cette émergence : le livre de Rachel Carson, « Le Printemps Silencieux », publié en 1962). La raison principale, je pense, est que ces organisations étaient concentrées principalement sur les guerres et révolutions anticoloniales dans les pays dominés (Cuba, Algérie, Vietnam ...), sur les mouvements de masse contre la bureaucratie à l’Est (Pologne, Hongrie) et sur la convergence de la radicalisation des jeunes et des travailleurs en Occident (Mai 68, le « mai rampant italien de 69 »,…).

Mais cette raison n’est pas la seule, à mon avis. Il faut aussi admettre que la crise écologique mettait les organisations de gauche mal à l’aise sur le plan théorique. Par exemple, de nombreux auteurs se sentaient mal à l’aise avec la dénonciation de la technologie capitaliste et avec l’idée même de limites à la croissance. L’œuvre de Marx est très riche sur ces sujets, mais tout s’est passé comme si ses successeurs avaient oublié ses contributions (sur les enclosures, sur la rupture par le capital du « métabolisme social » humanité-nature, sur les conséquences en foresterie, en agriculture, en aménagement du territoire, par exemple). Cette amnésie semble avoir frappé même des penseurs marxistes révolutionnaires très créatifs et ouverts (...)

Il y a eu, je pense, trois facteurs de changement : premièrement, la menace nucléaire a favorisé une conscience croissante que les technologies ne sont pas neutres ; deuxièmement, les luttes des indigènes et des paysans pauvres ont montré la dimension sociale des questions écologiques ; troisièmement, quelques auteurs ont commencé à revisiter Marx sur la nature et ont exhumé son héritage. Les lignes bougeaient donc, mais la majorité de la gauche se contentait d’une approche purement propagandiste, consistant à dire qu’aucune alternative écologique n’est possible dans le cadre du capitalisme. C’est exact, mais ne signifie pas qu’on puisse se passer de revendications écologiques concrètes, de réformes, articulées sur les demandes sociales dans le cadre d’un programme de transition.

Une étape importante dans la direction de ce programme a été le Manifeste écossocialiste écrit par Michael Löwy et Joel Kovel en 2001.
(...)

L’initiative de ce manifeste a été favorisée par l’aggravation de la crise écologique et son caractère global, avec le changement climatique comme menace majeure. Parallèlement, de plus en plus de militants de nos organisations se sont impliqués dans les mouvements sociaux sur le défi écologique, en particulier le mouvement climatique et le mouvement pour la souveraineté alimentaire (qui sont étroitement liés, compte tenu du rôle important joué par l’agro-industrie dans le réchauffement climatique). Depuis son dernier congrès, la Quatrième Internationale s’est définie comme une organisation écosocialiste. (...)