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Slate.fr
L’éducation sexuelle se fait déjà à l’école, qu’on le veuille ou non
Article mis en ligne le 26 août 2018
dernière modification le 25 août 2018

Les arguments des adultes réfractaires à l’éducation à la sexualité à l’école tiennent difficilement face aux données empiriques. Démonstration.

Les menstruations, la masturbation, l’homosexualité, autant de sujets qui peuvent faire frémir les pédagogues les moins téméraires d’entre nous. Autant de sujets dont on présume –souvent à tort– qu’ils seront introduits dans des séances scolaires d’éducation à la sexualité.(...)

La déclaration récente de la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa sur les trois séances annuelles d’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées –une loi mise en place depuis 2001– a fait du bruit.(...)

Pourtant, l’histoire nous a montré que les résistances adultes à l’éducation à la sexualité scolaire sont bien ancrées dans les mœurs, les mentalités et les comportements, en France ou ailleurs.

Or, les arguments de ces adultes réfractaires à l’éducation à la sexualité à l’école relèvent d’une frilosité morale et ne tiennent pas la route, pour peu qu’on les confronte aux données empiriques disponibles depuis plusieurs décennies. Ne reculant devant rien en cette saison estivale, c’est à partir de tweets verbalisant les craintes les plus fréquentes que nous proposons d’analyser les deux principales appréhensions des adultes, érigées en autant d’arguments.

Argument n°1 : Les enfants sont trop jeunes/purs pour qu’on leur parle de sexualité(...)

l’enfance innocente et ignorante, brutalement confrontée à une sexualité génitale adulte trop avancée (qu’elle s’incarne dans les contenus scolaires ou dans les avances sexuelles d’un « pédophile » tant craint) n’existe… pour l’essentiel, que dans les fictions d’adulte.

La donne serait la même pour ce qui est de l’adolescence. Dans son étude des perceptions entretenues par les parents face à la sexualité de leurs enfants, la chercheuse Sinikka Elliott rappelle que les parents sont en mesure de maintenir leur illusion de l’innocence sexuelle de leurs ados, tant et aussi longtemps qu’ils puissent imputer à d’autres jeunes de leur entourage –essentiellement, selon elle, des personnes racisées– le rôle d’influence corruptrice en matière de sexualité.

Bref, on constate que bien des adultes désirent tant maintenir cette apparence de pureté qu’ils et elles n’hésitent pas à mettre en place des stratégies favorisant le maintien de ces illusions.(...)

dans une enquête datant de 2017, 51 % des ados français de 15-17 ans déclarent avoir déjà surfé sur un site pornographique. Il va sans dire que le désir parental de contrôler l’accès de leur progéniture à des informations liées à la sexualité ne passe pas l’épreuve de l’accessibilité fournie par les outils numériques.(...)

Par ailleurs, clamer que « la sexualité ne relève pas de la responsabilité de l’école » présume à tort que celle-ci n’est pas déjà omniprésente dans les établissements scolaires. Or, pour peu que l’on porte attention à ce qui s’y joue, l’école est plutôt un lieu où les élèves apprennent –au contact de leurs pairs comme des adultes– une panoplie de leçons à caractère sexuel, c’est-à-dire concernant les comportements attendus d’eux et d’elles en matière de sexualité ou d’interactions genrées.(...)

Bref, l’hypocrisie est de considérer que la sexualité se trouve confinée aux trois séances annuelles prévues par la Loi du 4 juillet 2001, alors que les manifestations de la sexualité se retrouvent partout dans nos établissements éducatifs, et pas seulement cloîtrées dans un cours, quelques heures par année.

La panique morale adulte
Selon le sociologue Michel Bozon, les inquiétudes adultes autour de la sexualité à laquelle sont exposés ou participent les jeunes relèvent d’une « panique morale » engendrée par le sentiment de ne pas (de ne plus ?) pouvoir contrôler la sexualité des jeunes.(...)

Ils la positionnent en effet comme une chose menaçante, arrivant presque « malgré soi », et dont il faut impérativement être protégé. Si cela va de pair avec tout un langage autour du « risque » de la sexualité (« comportements à risque », « réduction des méfaits », « prise de risque », etc.), ce discours dépossède les jeunes de leur capacité de faire des choix éclairés en matière de sexualité et de relations amoureuses.

C’est ce discours qui risque de créer le spectre tant craint par les parents : celui d’ados immatures, dangereux et potentiellement hors de contrôle en matière de sexualité. S’il existe une véritable menace à l’intégrité sexuelle des enfants, ce n’est donc pas dans l’éducation à la sexualité scolaire qu’elle se trouve, mais dans la mollesse de projets de loi comme celui contre les violences sexuelles et sexistes, pour lequel une (autre) tempête s’abat sur Marlène Schiappa.