
Il est bien rare que les journaux télévisés des grandes chaînes se donnent la peine d’enquêter sur les tenants et aboutissants de la crise économique et sociale qui ravage la Grèce depuis plus de 4 ans. Cela renvoie à l’évidence aux modes de hiérarchisation de l’information, reléguant au dernier rang l’information sociale et internationale.
On pourrait dès lors se réjouir que le JT de France 2 du 17 septembre programme un reportage sur la situation en Grèce. On aurait tort, car à bien y regarder, cette « enquête » a moins relevé de l’information… que d’une succession de clichés sur la Grèce mis en image. (...)
L’enfer grec…
Contrôler ce que les Grecs ont fait de l’argent versé gracieusement par les contribuables français, c’est précisément l’objectif que semble se fixer le reportage qui suit le petit numéro de Pujadas et de son acolyte [3].
Un reportage réalisé en Grèce avec le soutien d’Alexia Kefalas, une correspondante multicarte bien connue d’Acrimed [4], et qui annonce d’emblée la couleur : « À une heure de bateau d’Athènes, cette île est fidèle au cliché : eau turquoise, pêche artisanale, églises orthodoxes et des habitants qui rechignent à payer ce qu’ils doivent à l’État. »
Car c’est pour l’essentiel de clichés que sera composé un reportage qu’un Jean Quatremer, thuriféraire permanent de l’Union européenne et contempteur régulier du peuple grec, n’aurait pas renié.
Il suffit de suivre en caméra cachée notre Tintin grec, en immersion dans ce haut lieu de corruption qu’est Égine, débusquer un à un les commerçants fraudeurs (...)
Or, si le non-paiement de la TVA par les professionnels est sans doute une réalité en Grèce, il s’inscrit cependant dans un contexte qui, s’il n’est pas rappelé, donne une vision complètement faussée des pratiques décrites : avec d’une part, la hausse de la TVA jusqu’à pas moins de 27% (quand dans le même temps la taxation de 25% sur les bénéfices distribuées des sociétés en 2009, ce qui constituait déjà un niveau faible, a été réduite progressivement à 20% pour tomber à 10% à partir de janvier 2013) ; de l’autre, l’anéantissement de la consommation à cause des politiques d’austérité, qui est la première cause de la faiblesse des recettes fiscales.
Dès lors, pourquoi mettre l’accent sur le non-paiement de la TVA par les petits commerçants, facteur marginal qui se conçoit aisément dans ce contexte, plutôt que de rappeler le contexte général défini par les politiques d’austérité imposées à la Grèce par la troïka, en livrant des éléments plus pertinents pour que le téléspectateur puisse comprendre les logiques qui président à l’augmentation de la dette publique ? Un contexte certes plus prosaïque… et qui ne flatte aucun cliché sur la Grèce. (...)