
Au fil des ans, des progrès du big data et des croisements de fichiers, les Caisses d’allocations familiales et les départements intensifient leur chasse aux fraudeurs, parfois jusqu’à l’acharnement.
Sur fond de consensus politique, et forte du soutien de l’opinion publique, la chasse aux fraudes à la prestation sociale est ouverte. Les Caisses d’allocations familiales (CAF), qui toutes prestations confondues (allocations familiales, aides au logement, allocation aux adultes handicapés…) distribuent quelque 95 milliards d’euros à 13,5 millions d’allocataires sont en première ligne. Au fil des ans, des progrès du big data, et des interconnexions de fichiers, elles intensifient et affinent les contrôles – parfois jusqu’à l’acharnement, comme le dénoncent plusieurs associations telles qu’ATD Quart Monde, le Secours catholique, Aequitaz, et jusqu’au Défenseur des droits. (...)
« J’ai eu le malheur de pointer au chômage avec un jour de retard, raconte Pierre (qui a requis l’anonymat), un Lyonnais de 40 ans, qui bien que diplômé en droit était sans emploi, à l’époque. J’ai immédiatement été radié de Pôle emploi, mais, après explications, vite rétabli. Malheureusement, la CAF avait de son côté (et sans me prévenir) suspendu mon droit au RSA [revenu de solidarité active] et à l’APL [aide personnalisée au logement], et là je me suis heurté à un mur pour récupérer mes droits. »
Les fichiers du fisc, de Pôle emploi et de la CAF sont, en effet, connectés entre eux (...)
« L’entretien, au printemps 2019, avec l’agent de la CAF a été une humiliation, poursuit Pierre. Il avait sous les yeux mes comptes bancaires et épluchait chaque ligne. Avais-je vraiment besoin d’un abonnement Internet ? A quoi avais-je dépensé ces 20 euros tirés en liquide ? Je me suis senti rabaissé.Je suis resté sans ressources pendant dix mois, j’ai frisé l’expulsion de mon logement, fait une dépression, et, bizarrement, ce n’est qu’après avoir consulté un avocat que, en une semaine, tout s’est débloqué. » Depuis, Pierre a retrouvé un emploi.
Accès à de multiples fichiers
L’activité de contrôle prend une dimension industrielle avec, en 2019, des vérifications automatiques (28 millions), des contrôles sur pièces (234 000), sur rendez-vous ou au domicile (170 000), menés par près de 2 500 agents dont 700 habilités à se rendre sur place (...)