
Face à la hausse de la demande énergétique, le développement de l’éolien sur terre et en mer est une priorité du gouvernement. Mais le Comité national de protection de la nature met en garde contre ces projets marins, dont les conséquences sur la biodiversité sont mal connues et potentiellement dévastatrices.
la Commission européenne souhaitait multiplier par cinq le parc éolien offshore européen d’ici 2030 et par 25 d’ici 2050. Un objectif qui pourrait se traduire par l’équivalent de 7 100 nouvelles éoliennes en mer pour la France. Or si l’on connaît assez bien les conséquences de l’éolien terrestre sur la biodiversité, ce n’est pas le cas pour les éoliennes offshore, a rappelé le Comité national de protection de la nature (CNPN) dans un rapport paru le 6 juillet 2021.
Ce rapport pointe des risques importants de collision des oiseaux et des chauves-souris avec les pales des éoliennes. Qui plus est, certaines espèces marines sont attirées par les bases émergées soutenant les éoliennes, qu’elles utilisent comme reposoir. Ce qui augmente encore les risques de collisions avec les pales, lorsque les oiseaux descendent pour se poser. D’autre part, l’évitement des parcs par les oiseaux est jugé très peu probable pour les espèces concernées. Concernant les mammifères marins, « la France n’ayant pas connu l’exploitation des hydrocarbures offshore, le développement à grande échelle de l’électricité éolienne marine entraînera des perturbations et des modifications de l’habitat des mammifères marins d’une ampleur inédite pour notre pays », assure le rapport, remarquant que « neuf espèces de cétacés sont exposées à des risques d’une portée inconnue ». (...)
« Il faudrait avoir une vision plus fine des enjeux de biodiversité en mer avant d’y installer des parcs. Aujourd’hui, on définit les périmètres qui vont accueillir les appels d’offres en fonction de contraintes socio-économiques, et on prend seulement ensuite en compte la biodiversité. » C’est par exemple le cas pour le projet de parc éolien au large de l’île d’Oléron (...) ce projet est proche de deux zones Natura 2000, très riches en biodiversité, et sur un couloir de migration. Ce projet est donc potentiellement catastrophique pour les oiseaux et les chauves-souris.
Le rapport de la LPO mesurant les conséquences de l’éolien sur l’avifaune française montre que la mortalité des oiseaux due à la collision avec les pales des éoliennes est deux fois plus importante dans les zones Natura 2000 qu’ailleurs. Interrogée par Reporterre, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a dit « souhaiter regarder au cas par cas et ne pas interdire par principe l’éolien en mer sur une zone en particulier ». Pourtant, même hors zones Natura 2000 et couloirs de migration, « les connaissances issues des bases de données de sciences participatives sont très faibles en mer car il est difficile d’inventorier des milliers de km² », dit Geoffroy Marx. Il est donc compliqué d’avoir une idée des enjeux écologiques d’une zone marine avant le lancement d’un projet. (...)
Des études difficiles à mener (...)
« En Belgique, les résultats d’une étude menée par le Muséum de sciences naturelles montre plusieurs effets positifs sur la biodiversité comme l’effet récif par exemple. Il n’est pas ressorti de problèmes majeurs de cette étude. » L’effet récif désigne le fait que les structures immergées constituent un nouvel habitat où la faune marine peut se développer.
Pour analyser chaque projet, il faudrait encore être capable de mener des études d’impact représentatives de la réalité. (...)
En outre, « la France ne peut actuellement pas remplir le premier descripteur (mortalité des oiseaux en mer due à l’activité humaine) du bon état écologique dans le cadre de la directive européenne directive cadre stratégie pour le milieu marin, faute de données ». Le respect de cette condition est pourtant indispensable avant la mise en place d’un parc éolien.
« Il n’est pas certain que l’arrêt des machines en période de migration soit suffisamment efficace. » (...)
Outre les répercussions mal quantifiables sur la biodiversité, si les projets continuent à être déterminés sans prise en compte au préalable, les mesures d’évitement et de réduction pourraient être très restrictives pour les aménageurs. Le bridage des machines ou leur arrêt une grande partie du temps auraient un effet sur la rentabilité du parc.
Après l’évitement et la réduction, il reste la compensation. Pour le CNPN, « on ne peut pas compenser la perte d’habitat causée par la disparition des zones d’alimentation pour les oiseaux locaux et encore moins pour les migrateurs provenant de l’Europe entière ».
Des objectifs énergétiques inconciliables avec la biodiversité (...)
Pour Geoffroy Marx, la raison vient de la profondeur des fonds marins. « Dans la mer du Nord, il est possible de s’éloigner des côtes tout en continuant à faire de l’éolien posé, mais pas forcément ailleurs. » Il reste l’éolien flottant, mais « cette technologie est encore à l’étape de projet pilote en France, pas encore déployé à une échelle industrielle et pas aussi abouti que l’éolien posé en Europe », dit Geoffroy Marx. En Méditerranée, le premier parc commercial éolien flottant pourrait être mis en service en 2028. « Quatre autres projets de fermes pilotes entre 2022 et 2025 sont en cours », assure Jérémy Simon.
Le ministère de la Transition écologique s’apprête à lancer trois études sur la collision, la connaissance des déplacements et les dynamiques de population de la faune en milieu marin (...)