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L’existence des paradis fiscaux n’est pas une fatalité
Article mis en ligne le 24 avril 2013
dernière modification le 20 avril 2013

Les révélations du consortium international de journalistes d’investigation sur la finance offshore ont levé un coin du voile sur ces trous noirs de la finance qui sont au cœur de la mondialisation. Les montants en jeu sont en effet faramineux : les sommes illicitement placées dans les paradis fiscaux sont comprises entre 21 et 32 milliers de milliards de dollars ; la moitié des flux financiers internationaux transite par les paradis fiscaux ; le tiers des flux mondiaux d’investissements des firmes transnationales leur sont destinés, ce qui implique notamment que les îles Barbade, Bermudes et Vierges Britanniques reçoivent davantage d’investissements que l’Allemagne ou le Japon ; les flux illicites fuyant chaque année les pays en développement par le biais des paradis fiscaux représentent dix fois le montant total de l’aide publique au développement

(...) Contrairement à une idée fausse, le problème ne se réduit pas aux comportements illégaux ou immoraux de certains fraudeurs, entreprises ou particuliers, qui ne représentent que la pointe de l’iceberg d’un véritable système mondial qui favorise l’évasion fiscale au détriment des recettes publiques des États. Une situation qui apparaît de plus en plus inacceptable à une époque où les États opèrent des coupes sombres dans les budgets sociaux et d’aide au développement au détriment des populations les plus vulnérables. Ce système n’est toutefois pas une fatalité, car des réformes législatives déterminées peuvent ramener un minimum de justice fiscale dans le monde. (...)

Il est également faux d’imputer la responsabilité de cet état de fait à de prétendues fiscalités confiscatoires (comme l’a notamment affirmé à propos de la Belgique Thierry Afschrift dans Le Soir du lundi 8 avril) : ceux qui souffrent le plus de la pression fiscale sont les entreprises plus petites et les ménages modestes et moyens, souvent incapables de recourir aux techniques d’optimisation fiscale.
(...)

Le système de l’injustice fiscale mondiale s’articule autour de plusieurs éléments, dont l’opacité qui permet de masquer le propriétaire ou le bénéficiaire effectif de revenus derrière des sociétés off shore et des contrats de « trust », et le secret bancaire qui empêche l’échange automatique d’informations entre autorités fiscales. Il n’y a pourtant ici non plus aucune fatalité : l’échange automatique d’information peut et doit devenir la norme internationale, malgré la résistance des États récalcitrants qui tirent directement profit du système. En Europe, le récent assouplissement de la position de l’Autriche et du Luxembourg ouvre la voie à un système européen d’échange automatique d’information toutefois limité aux revenus d’intérêts. Aux États-Unis, la loi FACTA imposant à toutes les institutions financières dans le monde de communiquer les informations concernant les résidents américains entrera en vigueur en 2014, tandis que cinq pays européens (Allemagne, France, Espagne, Italie, Royaume-Uni) plaident pour un « FACTA européen ». De même, dans le cadre notamment de la révision en cours de l’arsenal législatif anti-blanchiment de l’Union européenne, il est possible d’exiger un registre public des bénéficiaires effectifs des sociétés et des trusts.

Les systèmes fiscaux sont pour l’essentiel nationaux, alors que l’économie est devenue mondialisée. C’est donc un jeu d’enfant pour les entreprises multinationales de déplacer artificiellement les profits vers les paradis fiscaux, et ainsi échapper à une bonne part de l’impôt, comme l’ont notamment récemment démontré les affaires Google, Amazon et Starbucks. La solution à ce phénomène consiste à obliger les firmes transnationales à publier une comptabilité qui précise quels sont leurs activités, leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices et leurs impôts dans chacun des pays où leurs différentes filiales opèrent. (...)