
Retrouvons « cette part de nous-mêmes qui met de la mesure », propose l’auteur de cette tribune. En écho à Balzac, face au tout technique délirant, il souhaite ramener les Rastignac « à hauteur d’homme ».
Nous paraissons si démunis face aux choix stratégiques à opérer pour la transition écologique qu’il peut être éclairant de lire les grands auteurs.
Vous souvenez-vous, dans Le Père Goriot de Balzac, de la manière dont s’y prend Bianchon, étudiant en médecine, pour ramener son ami Rastignac à la raison ? Celui-ci est la proie d’une tentation : faire fortune et conquérir ce Paris jouissif qui lui tend les bras… à la condition de jeter son honneur aux orties ! (...)
Devant le « tout-technique » exclusif qui a prévalu pendant deux siècles et dont nous commençons de voir les aléas délirants, une autre partie de notre condition humaine doit impérativement reprendre la place qui lui a été insidieusement dérobée. Je veux parler de cette part de nous-mêmes qui tempère, qui met de la mesure en toute chose, qui veille à ne pas aller au-delà de ce que nous dicte le sens commun, qui cherche, quoi qu’il arrive, à nous maintenir dans le cours de la raison. (...)
Une vie remplie de mille petits bonheurs humains délaissés
Or, une autre vie est possible, davantage faite d’équilibre et d’une plus juste mesure dans nos manières de vivre, une vie remplie de mille petits bonheurs humains délaissés : bonheurs manuels, bonheurs culturels et bonheurs relationnels.
En les nommant, ce qui frappe l’esprit est qu’ils sont fort utiles par les temps qui courent : savoir se nourrir en faisant son potager, savoir bâtir sa maison, savoir fabriquer ses vêtements ; savoir réfléchir et concevoir des idées, savoir rêver, créer de la beauté, savoir lire pour mieux comprendre et écrire pour mieux transmettre ; savoir approfondir ses liens avec les siens et les autres, savoir quitter pour un temps l’univers technique qui s’acharne à capter notre attention… (...)
Dès lors, puisque nous commençons de comprendre que continuer « comme avant », en « avançant », en « changeant », en « nous adaptant »… creuse irrémédiablement notre tombe, sachons résister et réinclure dans nos réflexions d’autres formes de progrès humains, plus équilibrées et plus ancrées dans la vie.
Il ne s’agit pas d’un retour à l’âge de pierre, mais plutôt de tenir compte de notre condition humaine dans son entièreté afin de réussir au mieux la transition écologique. (...)