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Rapports de force
L’extrême droite contre l’école : « Grand Endoctrinement » et big data
#extremedroite #fascisme #democratie #ecole
Article mis en ligne le 26 juin 2023

Harcèlement d’enseignements, paniques morales sur les réseaux sociaux et théories complotistes : l’extrême droite d’Éric Zemmour, via le collectif « Protégeons nos enfants », cible l’école. Une manière de propager une parole LGBTIphobe et raciste, mais aussi de collecter les données de potentiels électeurs, dans le but de préparer les échéances électorales à venir.

« En novembre dernier, à Valencienne, nous avons fait annuler une sortie scolaire. Il va falloir qu’ils s’y habituent ! » se vantait Éric Zemmour lors d’un long entretien au journal d’extrême droite Causeur, en mars 2023.

« Nous », ce sont les membres du collectif « Protégeons nos enfants », lancé par Éric Zemmour le 11 septembre 2022 et piloté par Agnès Marion, vice-présidente exécutive de Reconquête et proche de Marion Maréchal et de La Manif Pour Tous. Le politicien d’extrême droite sortait alors d’une défaite à l’élection présidentielle et, dans un discours de rentrée, expliquait à ses militants quelles allaient être les batailles à venir. En premier lieu desquelles : l’école. Grâce à un réseau de « parents vigilants », le collectif Protégeons nos enfants entend dénoncer les enseignements jugés trop en faveur de l’immigration ou des droits des LGBTI+.

Et ces dénonciations vont souvent de pair avec le harcèlement des enseignants qui les dispensent. Ainsi, à Valencienne, en novembre 2022, l’enseignante qui souhaitait emmener ses élèves visiter un camp de migrants a vu son nom relayé sur les sites de la fachosphère, avant de subir une campagne de harcèlement et de voir son adresse diffusée en ligne. Le rectorat de Lille a porté plainte après lui avoir accordé une protection juridique.

Raids numériques et guerre de civilisation (...)

Pour l’extrême droite, la bataille culturelle passe par l’école (...)

À noter : le contraste entre la banalité des actions pédagogiques dénoncées – l’étude d’une chanson, l’intervention d’une association agréée, l’énoncé d’un exercice de mathématique… – et leur dénonciation comme autant de témoignages d’une école « à la dérive » et livrée à « l’idéologie woke ». Ce phénomène, c’est celui d’une « panique morale » : une série d’anecdotes, plus ou moins réelles, toujours présentées de façon malhonnête et exagérée. Elle construit un sentiment de menace majeure, ici la menace « woke », ou, comme le formule Éric Zemmour, un « Grand Endoctrinement », miroir de la théorie complotiste du « Grand Remplacement ».

Pour les militants pro Zemmour, l’école serait aux mains de « nombreux militants d’extrême-gauche et wokes » qui auraient « pris l’habitude d’endoctriner sans la moindre opposition » les enfants, les « poussant à désirer changer de sexe » et les soumettant à une « propagande anti-colonialiste », peut-on lire dans une pétition de Protégeons nous enfants. (...)

Le grand recrutement

Au-delà du combat pour l’école, Éric Zemmour cherche à fédérer des militants et des électeurs. « L’école, c’est 12 millions d’élèves et le double de parents. La propagande de Zemmour, c’est un investissement sur le long terme. Il prépare déjà la présidentielle de 2027 », estime Fatna Seghrouchni de Sud-Éducation.

Pour cela, le chantre de l’exceptionnalisme français n’a pas hésité à recourir au savoir-faire américain. Sur le site dédié à la campagne, le visiteur est accueilli par les grands yeux bleus et tristes d’une fillette blonde, et des messages sobres, l’invitant à quatre actions simples : signer une pétition, témoigner, s’abonner à une newsletter ou encore télécharger un tract à diffuser autour de soi. Mise à part la dernière, chacune de ces actions conduit à communiquer son adresse mail à l’éditeur du site, le parti Reconquête. Ce dernier pourra alors leur envoyer une newsletter « susceptible d’inclure des éléments de prospection politique ». Le site signale aussi que les données personnelles des utilisateurs sont « susceptibles d’être transmises à la Nation Builder, situées (sic) aux États-Unis, qui assure notamment l’hébergement de nos sites internet et procède à des opérations de communications politiques ». (...)

Sursaut antifasciste unitaire contre l’extrême droite à l’école

Face au poids grandissant de Protégeons nos enfants, cinq syndicats de l’éducation, la CGT Educ, la FSU, le SGEN-CFDT, Sud Educ et l’UNSA, ont envoyé un courrier commun à leur ministère de tutelle, le 12 mai dernier, pour demander une rencontre. Ils ont été reçus le 23 juin.

« Le ministère s’est engagé à rédiger une circulaire qui donnera un cadre, un protocole à suivre en cas d’attaque de l’extrême droite. Pour l’heure, les enseignants sont souvent démunis. Et les réponses apportées en cas de pression ou de harcèlement sont à géométrie variable. Il s’agit d’y remédier », explique Fatna Seghrouchni, co-secrétaire fédérale de Sud-Éducation, qui a participé à la réunion avec le ministère. Ce dernier s’est également engagé à produire un décompte précis du nombre d’attaques. Yannick Bilec explique ainsi que pour la CGT, le dépôt de plainte doit permettre « l’ouverture d’enquêtes, pour remonter aux responsables » de ces actions d’intimidations. Ne plus rester sur la défensive, mais contre-attaquer (...)

Mais les organisations syndicales n’entendent pas s’en remettre aux seuls services de l’État pour organiser cette riposte. Récemment, les rencontres syndicales antifascistes du réseau de Vigilances et Initiatives Syndicales Antifascistes (VISA) ont eu lieu à Paris témoignant d’une « dynamique unitaire plus forte » sur ce sujet, selon Yannick Bilec. Côté rue, l’intersyndicale de l’éducation appelle à participer en masse aux marches des fiertés à travers le pays, tout au long du mois de juin, dans un acte de résistance festive aux attaques de l’extrême droite.

Depuis cet épisode, les affaires de ce genre n’ont cessé de se multiplier. « On constate globalement une attaque par semaine », assure Yannick Bilec, qui suit le dossier pour la CGT Educ’action. « Pour l’heure, il s’agit surtout de harcèlement numérique. Même si des cas de tractages aux abords des établissements scolaires ont également été relevés », précise Fatna Seghrouchni, co-secrétaire fédérale de Sud-Éducation.

Ces attaques suivent toujours un mode opératoire bien rôdé (...)