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L’habitat urbain : Smart illusions au Salon de la ville intelligente
Article mis en ligne le 2 octobre 2014

Les illusions du progrès industriel se sont écroulées avec le XXe siècle, coinçant les citadins entre les canines du chômage, du cancer et du vote Front national. Qu’à cela ne tienne, les marchands de « solutions » ont un nouvel imaginaire pour urbaniser le siècle à venir : la « ville intelligente ». CapUrba, le salon de l’urbanisme innovant, nous montre comment la « ville sous contrôle » ne sera pas seulement le fait de politiques sécuritaires, mais de technocrates soucieux de gérer le désastre urbain.

Départ pour Lyon. Commander billet TGV sur Internet à retirer sur borne automatique : « L’empreinte CO2 correspondant à votre commande est estimée à 2,8 kg. » Descendre du train, ne pas tomber « entre le marche-pied et le quai ». Écran d’abribus indiquer « Prochain tram dans 7 mn ». Patienter et ingurgiter sandwich « Petite France », jambon-beurre. Monter par « l’avant du bus » mais « Interdiction de parler au chauffeur ». Haut-parleurs balancer soupe radiophonique pour observer banlieue dégueulasse, entrepôts-parkings-barrières, derrière vitre « Securit ». Arrivée sur le parking d’Eurexpo, fin du convoyage, Ouf.

Une brochette d’hôtesses en uniforme chemisier-tailleur m’accueillent à l’entrée du salon. Elles n’ont pour tuer le temps qu’à biper les Pass des visiteurs et ignorer les sous-entendus lourdingues des VRP en campagne. Garanti « sans contact », notre environnement fluide et sécurisé est suffisamment formidable pour que les urbanistes accélèrent le pas. Si un smartphone est un ordinateur qui passe des appels, un avion un disque dur volant, la ville sera bientôt l’unité centrale de notre « Béton way of life ». On l’appellera « smart city » ou « ville intelligente ».

Habiter ne suffit pas, il faut in-no-ver. Pendant trois jours, les entreprises technologiques draguent les municipalités qui, en retour, leur vendent mètres-carrés-de-bureaux et qualité-de-vie : « La ville intelligente, c’est un projet économique d’attractivité dans une compétition désormais mondiale », lâche un ingénieur d’IBM. Dans la grande foire aux smart villes, les collectivités se sont maquillées comme des voitures d’occaz’, toutes plus au cœur du carrefour du monde pour amadouer les profits innovants. (...)

Notre environnement atteint la perfection. Il sait ce dont nous avons besoin et s’adapte en fonction. Mais sans nous. Le lampadaire détecte une infraction qu’il communique aux services de police. La caméra sur l’autoroute a repéré une voiture en contre-sens et bloque les accès. Les capteurs routiers ont détecté des embouteillages et bloquent ou débloquent automatiquement les sémaphores. Les tournées de livraison se plient aux prévisions algorithmiques. Et caetera, et caetera. (...)