
C’est un vent lourd qui souffle sur l’hôpital. Et pour la première fois, on peut avoir le sentiment que l’on n’est pas loin d’une cassure. Ce mardi en tout cas, une journée de mobilisation avec grève aura lieu (à l’initiative de la Coordination nationale infirmière, rejointe par les fédérations FO, CGT et SUD des secteurs de la santé). Elle ne devrait certes pas bloquer les établissements, mais les autorités auraient tort de n’y voir qu’une classique poussée de fièvre, comme nous y a habitué le monde hospitalier depuis plus de quinze ans. De fait, le ton est grave, inquiétant même. « La dégradation des conditions de travail et d’études entraîne un mal-être et une souffrance profonde de la profession dans son ensemble, associée dans les établissements à une gestion des ressources humaines déplorable, sans aucun respect des soignant(e)s,explique la Coordination infirmière. Ces conditions ont, hélas, poussé au suicide certain(e)s de nos consœurs-confrères, et cela dans le mépris et l’indifférence générale du gouvernement tandis qu’en libéral, le ministère restait silencieux sur les agressions subies par les infirmières-infirmiers. »
(...) Tarification à l’activité
Depuis le début des années 2000, les quelque 1 000 établissements de santé en France connaissent un changement continu. Il y a eu la mise en place délicate des 35 heures, puis la rigueur budgétaire s’est peu à peu installée. Et enfin, l’installation de la T2A (la tarification à l’activité, axe majeur du plan « hôpital 2007 ») qui, au-delà de son aspect comptable, a changé profondément la vie des hôpitaux, mais aussi les priorités de santé, et parfois même le sens du travail. La T2A trace une limite entre des activités de soin rentables, qui rapportent à l’hôpital, et celles qui le sont moins. (...)
A cela s’ajoute une mauvaise gestion des métiers dans le domaine médical, aujourd’hui symbolisée par les cadres de santé, que l’on appelait hier les « surveillants ». Ils occupent une position centrale à l’hôpital, « mais en devenant la courroie de transmission de la direction, ils sont piégés. Soit ils défendent la direction, soit ils soutiennent leur équipe. Leur rôle est impossible » (...)
Non seulement 75 % des acteurs des ressources humaines interrogés déclarent « ne pas disposer des moyens adaptés », mais les préoccupations des DRH sont embolisées par la maîtrise de la « masse salariale » : il s’agit du premier sujet de mobilisation pour 80 % des sondés, taux bien supérieur à celui constaté dans le secteur privé. « Il y a un fort risque que l’impératif budgétaire ne laisse que peu de temps au déploiement des nécessaires démarches d’accompagnement, collectives ou individuelles », note la Fédération.
Ainsi va l’hôpital, même s’il n’y a pas un, mais des hôpitaux. Pour autant, alors qu’il reste souvent le lieu d’une prise en charge remarquable, il est désormais obnubilé dans son ensemble par une logique budgétaire qui a été un temps nécessaire, mais qui parasite aujourd’hui tout l’ensemble. Jusqu’au sens même du métier (...)
L’hôpital « cru 2016 » apparaît blessé de l’intérieur comme de l’extérieur. On l’a vu récemment à Tourcoing, où une bagarre généralisée a éclaté aux urgences. On l’a vu aussi avec les suicides des infirmiers et infirmières. Orphelin d’une hospitalité perdue, le voilà, parfois, sans âme ni boussole.
Voir ici la déclaration commune CGT FO SUD