
Le pays se réveille groggy ce matin. Comme sonné. Avec à nouveau ce goût de cendres dans la bouche. Cette impression d’être plongé dans un cauchemar qui ne cesse, à intervalles réguliers, de venir nous hanter, de nous propulser dans le cœur des ténèbres, au plus profond d’une nuit noire comme la mort.
De cette impression que cela ne finira jamais, que quels que puissent être les moyens engagés, les mesures adoptées, les forces de sécurité mobilisées, en n’importe quel endroit du territoire voire même du monde entier, l’on peut passer désormais de vie à trépas en l’espace d’une seconde, sans comprendre ce qui nous arrive, sans réaliser que nos existences s’achèvent là dans une salle de spectacle, ici lors d’un défilé du 14 juillet, ailleurs au terminal d’un aéroport. (...)
Des vies brisées nettes par l’action de sanguinaires dont, et c’est bien là le plus effroyable, on ne perçoit pas vraiment les motivations, si ce n’est celle de frapper les imaginaires, de répandre la terreur, de provoquer l’effroi et la stupeur, de semer le chaos dans le pays.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit et seulement de cela.
De mettre à bas l’esprit de concorde nécessaire à toute démocratie et de dresser les communautés les unes contre les autres, dans un affrontement sanglant qui au final affaiblira l’état de droit et offrira à des forces obscures l’opportunité de s’emparer du pouvoir déclenchant des mouvements de révolte auxquels répondront des mesures de répression.
Et ainsi de suite dans une escalade meurtrière qui mettra le pays à genoux. (...)
C’est contre quoi les morts du Bataclan comme ceux de Nice comme ceux de Charlie Hebdo nous obligent.
Ce sont à eux que nous devons montrer que leur mort si scandaleuse, si lâche, si écœurante, n’aura pas été le prélude à d’autres tragédies. (...)
Montrer le visage serein et déterminé de notre inexpugnable solidarité, c’est la seule tâche qui nous incombe aujourd’hui, par-delà nos divisions, nos différences et nos croyances.