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L’important, c’est le chemin !
/Arthur Porto
Article mis en ligne le 11 octobre 2021

« L’important, c’est le chemin » documentaire de Daniel Kupferstein sur le Lycée expérimental de St. Nazaire. Il rend compte d’une expérience dans le cadre de l’Éducation Nationale, dont la gestion est à la charge des professeurs et des élèves ensemble. Une contribution pour faire connaître un projet où le cadre scolaire « s’invente » au fur et à mesure qu’on se confronte et qu’on avance sur le « chemin éducatif ».

Daniel Kupferstein cite dans son film la phrase d’un grand voyageur, Stevenson, « L’important, ce n’est pas la destination, mais le voyage en lui-même ». Pour ma part, j’ajouterais le poème d’Antonio Machado qui nous invite à saisir que « No hay camino, el camino se hace caminando » [Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en cheminant].

Chaque année, le chemin du lycée expérimental de Saint-Nazaire, se fait avec ceux qui étaient là l’année précédente et ceux qui arrivent, c’est à dire cette rencontre annuelle d’un parcours de lycéen qui se crée et recrée chaque fois... Pourrait-on imaginer un Lycée expérimental par département ? Hélas, l’air du temps est à la Start-Un-France (cadrée et encadrée) et pas à la créativité où le questionnement est un des leviers de la connaissance ! (...)

Lire aussi :

Rencontre exceptionnelle le vendredi 15 octobre à 20h30 à Utopia Saint-Ouen avec le réalisateur Daniel Kupferstein et des membres du Lycée Expérimental de Saint-Nazaire, autour de cette expérience pédagogique singulière.

Séance en partenariat avec l’Ecole Ouverte des Bourseaux.

« Il faut prendre conscience de la gravité du divorce qui existe entre certains jeunes et l’école. (…) Il existe des enseignants, et j’en suis, qui ne supportent pas le système scolaire tel qu’il est. Enseignants insupportables à leurs collègues souvent, y compris ceux qui sont de gauche, bien plus insupportables à l’administration. Alors pourquoi ne pas réunir ces élèves et ces enseignants « marginaux » qui s’entendent si bien quand le hasard des emplois du temps les fait se rencontrer ? Pourquoi ne pas autoriser ces allergiques à toute forme d’autorité à inventer, à créer ensemble les conditions qui leur conviendraient le mieux ? » Jean-Gabriel Cohn-Bendit, lettre ouverte à Alain Savary, ministre de l’Education Nationale, parue dans Libération le 20 juin 1981

Grâce soit rendue à Monsieur Cohn-Bendit – l’’autre, le frère, le barbu Jean-Gabriel. En 1982, Gaby, après sa lettre tonitruante au ministre du gouvernement Mauroy fraîchement constitué, contribue à créer un établissement singulier : le Lycée expérimental de Saint-Nazaire.

Presque quarante ans plus tard, le cinéaste Daniel Kupferstein s’est immergé pendant deux ans dans ce qu’il a pu prendre au départ, pour reprendre l’expression d’une lycéenne, comme « un sacré bordel », avant de se rendre compte que le bordel en question cache une organisation extrêmement pensée et huilée. Il faut dire que le Lycée Expé, comme on l’appelle, déroute au premier abord tous ceux qui sont habitués aux établissements scolaires « tradi ». On découvre des lycéens, loin d’être juste consommateurs d’enseignements, attelés à tour de rôle à toutes les tâches liées à la gestion du lycée, assurant aussi la confection des repas, le nettoyage, les petits travaux de bricolage, et même un peu de secrétariat, répondant au besoin au standard. Une manière de responsabiliser chacun dans la gestion du quotidien. Mais la cogestion ne s’arrête pas là. Au-delà des taches ménagères, élèves et MEE (Membres de l’Equipe Educative, prononcez Meuh ironiquement) prennent ensemble, dans le cadre d’outils de démocratie assez complexes, les décisions importantes pour le lycée. Par ailleurs, à côté des enseignements traditionnels en vue de la préparation du Bac pour celles et ceux qui le présentent, une grande part de la pédagogie est structurée autour d’ateliers décidés conjointement, qui peuvent aller de la réflexion sur l’influence des dessins animés (fascinante discussion autour des Pokemon) jusqu’à la pratique de massages ayurvédiques.

Daniel Kupferstein montre tout cela, sans oublier de pointer aussi les difficultés… Le documentaire, tout comme les enseignants et les élèves, ne prétend pas proposer la solution miracle, mais il redonne espoir tant dans la jeunesse, que l’on voit parfois foutraque mais sacrément politiquement consciente, loin de l’image de l’ado lobotomisé par le consumérisme et les réseaux sociaux, que dans le corps enseignant : Nathalie (qui dit ne supporter aucune hiérarchie), Hugo, Jean-Noël et les autres sont autrement plus stimulants que certains professeurs enfermés dans leur programme et leur corporatisme.