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L’industrie minière ou les glaciers, le Chili va devoir choisir
Article mis en ligne le 23 octobre 2019

Au Chili, l’hiver qui vient de se terminer a été le plus sec depuis soixante ans, la sécheresse se prolonge depuis dix ans et l’accès à l’eau potable pourrait devenir critique. Or, la principale ressource en eau du pays, les glaciers, sont abîmés par le réchauffement climatique et par l’activité minière, l’un des secteurs économiques vitaux du pays.

« La rivière est au plus bas. L’an passé, nous devions aller chercher l’eau dans les puits à vingt mètres de profondeur, contre soixante mètres aujourd’hui, dit le membre du collectif des voisins de Camino a Farellones, un village adossé aux premières pentes des Andes, à une trentaine de kilomètres de Santiago-du-Chili. Environ trente familles dépendent de camions-citernes pour avoir de l’eau à leur domicile. »

Depuis dix ans, le pays connaît une sécheresse prolongée et sort de l’hiver le plus sec depuis soixante ans. Le Chili enregistre cette année une baisse de plus de 50 % des précipitations en moyenne. (...)

Pour Claudio Rojas, AngloAmerican, le géant britannique propriétaire de la mine de cuivre Los Bronces, située à quinze kilomètres de Camino a Farellones, a sa part de responsabilité. « Si nous n’avons plus d’eau, c’est en grande partie de sa faute, dit le quinquagénaire. Il épuise les nappes phréatiques, pollue les cours d’eau et accélère la fonte des glaciers alentour, qui sont nos châteaux d’eau naturels. » (...)

Dans ce contexte de stress hydrique, les glaciers jouent un rôle clé comme réserves d’eau. Santiago et sa banlieue, soit environ sept millions de personnes, en dépendent lorsqu’une sécheresse joue les prolongations (...)

La quasi-totalité de ces masses de glace enregistre un recul au Chili. Selon une récente étude, la cordillère des Andes est l’un des massifs où l’amincissement des glaciers est le plus rapide de la planète. Si 86 % des quelque 24.000 glaciers recensés du pays se trouvent dans des zones protégées, ceux situés dans le nord et le centre du pays en sont exclus. Problème, c’est précisément le terrain de jeu favori des entreprises extractivistes.

Pour Francisco Ferrando, cela ne fait pas l’ombre d’un doute : l’industrie minière joue un rôle néfaste (...)

Selon Fabrice Lambert, climatologue à l’université pontificale catholique du Chili, d’autres effets sont imputables aux exploitations minières : « Si la superficie — blanche — d’un glacier est couverte de poussière et de très fines particules de carbone --- noir — issu de la combustion de diesel et d’essence, elle va s’assombrir, absorber les rayons du soleil et accélérer la fonte du glacier en fonction de la topographie locale et du vent. Ces effets sont accentués lors de la construction de nouvelles mines. » (...)

Malgré ce constat, les projets de loi pour la protection des glaciers se succèdent au Chili — six depuis 2005 — comme autant de coups d’épée dans l’eau. (...)

Une partie de la classe politique chilienne semble néanmoins avoir pris la mesure de l’urgence écologique. Le dernier projet de loi, issu des rangs de l’opposition en début d’année, cristallise les tensions. Il est censé convertir les glaciers et leur environnement proche « en aires protégées, interdisant toute intervention sauf scientifique et pouvant bénéficier au tourisme durable ».
Pas moins de 44 projets miniers sont susceptibles de voir le jour entre 2019 et 2028

Le gouvernement de droite est face à un dilemme car le Chili occupe la 18e place des pays les plus exposés à une pénurie d’eau, selon l’Institut des ressources mondiales (World Resources Institute). Dans le même temps, l’industrie minière est stratégique (10 % du PIB et 50 % des exportations) pour le premier producteur mondial de cuivre — près d’un tiers de la production totale. Et la tendance n’est pas à la baisse, au contraire. (...)

Les ONG de défense de l’environnement accusent l’exécutif chilien de céder devant les pressions du lobby minier en commençant à vider de sa substance le dernier projet de loi. (...)

Près de Santiago, la mine de Los Bronces attire tous les regards avec ses 300.000 tonnes de cuivre extraites chaque année. AngloAmerican ne compte pas s’arrêter là et envisage une expansion souterraine chiffrée à 3 milliards de dollars. (...)

Selon Stefanía Vega, le gouvernement ferait bien de s’inspirer de son voisin argentin, le seul pays d’Amérique du Sud à disposer d’une législation spécifique destinée à protéger les glaciers. À en croire l’activiste environnementale, la tenue du sommet mondial sur le climat au Chili, début décembre, sera un moment de vérité. « La COP25 sera l’occasion pour nos dirigeants de mettre en cohérence leurs discours avec leurs actes. »