
Nous publions ci-dessous, sous forme de tribune [1], un texte qu’une correspondante nous a fait parvenir. L’auteure y fait part de ses observations (qui offrent amplement matière à discussion) devant une information défigurée par les logiques de production et de diffusion pour et par internet. (Acrimed)
Ici, des ordinateurs aux multi-écrans sagement alignés. Pas de livres, peu de journaux, sinon les incontournables Financial Times ou Wall street journal, bréviaires du capitalisme moins lus qu’arborés en bandoulière. Sur les écrans, se déversent les chiffres bien ordonnés de la spéculation, ordres d’achats ou de ventes se faisant sur des productions dont on ne sait rien si ce n’est la valeur au moment choisi pour les échanger. La mise en circulation comme seule valeur ajoutée, rien de produit concrètement, la finance faussement rationnelle pour une économie rendue folle. Des traders aux points nodaux de la planète finance immatérielle, l’économie virtuelle au bout du clic.
Là, des ordinateurs aux multi-écrans sagement alignés. Peu de livres, peu de journaux, ou alors seulement ceux qui comptent parmi les « faiseurs (ou faisandeurs) d’opinion ». Et, dans un coin, toujours une télévision allumée sur la chaine d’information continue du moment. Sur les écrans, se déversent les informations pré-formatées de l’actualité du jour : dépêches prêtes à l’assemblage et autre « bâtonnages », mais aussi sites d’actualité en temps réel, et plus récemment encore tweets et réseaux sociaux. La mise ou remise en circulation d’« informations » produites par d’autres, avec comme seule valeur ajoutée leur mise à disposition, au bout du clic.
Des journalistes zombies
Le métier de journaliste, à l’heure d’internet, voit ses règles de base lentement se perdre : l’information n’a plus à être cherchée, vérifiée, recoupée. Elle a simplement à être reprise et intégrée sur des interfaces. (...)
Le tourbillon du vide
À l’heure d’internet, la circulation de l’information que Bourdieu qualifiait de circulaire, tant les médias se nourrissent avant tout des autres médias, s’est follement accélérée. Elle se traduit par un mimétisme quasi universel des sites d’information en ligne qui reproduisent des informations identiques et interchangeables. Rien ne doit dépasser et rien ne peut dépasser. Nulle volonté humaine d’uniformisation, seulement la logique d’un système qui veut que tous s’abreuvent à la même source.
Plus encore, certaines rédactions web achètent des solutions de détection de tendance afin de figurer dans le nouveau temple sacré du journalisme qu’est devenu Google news. (...)
Si l’économie est devenue spéculative sous le joug de la finance, l’information est quant à elle devenue incantatoire, tirant sa réalité de la répétition sans fin que permet la toile. Mais économie et information ont en commun d’être virtuelles et d’imposer à la réalité leur pouvoir, de telle sorte qu’elles prétendent toutes deux la façonner. (...)