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Non-Fiction
L’intersexe en art et en littérature
Article mis en ligne le 16 mars 2020
dernière modification le 15 mars 2020

La question de l’hermaphrodisme – celle désormais de l’intersexe – s’est constituée à partir du XVIIIe siècle. Retour sur sa genèse, ses considérations, ses multiples facettes et ses drames.

Le regard savant et le regard artiste sur les sexes et les genres constituent deux points de vue qu’une approche subtile de ces questions gagne toujours à confronter. C’est précisément ce que propose Magali Le Mens à propos de l’intersexe, en partant du brouillage des images induit par sa représentation, ou de l’indétermination des images donnant à voir un sexe qui n’entre pas dans les catégories binaires (féminin-masculin). Dès l’introduction, cette spécialiste d’histoire de l’art de l’université de Genève évoque les travaux de l’artiste Vincent Gillot, connu pour avoir organisé une résidence réunissant des personnes intersexes venues du monde entier pour faire « émerger une collectivité intersexe, sinon une culture intersexe ». Il aurait encore pu interroger l’histoire de ceux qu’on appelait encore, il n’y a pas longtemps, des « hermaphrodites ». Cette dénomination, qui date du XVIIIème siècle, est elle-même porteuse d’une histoire, puisqu’elle charrie avec elle la trace de son moment originel. Celui où des savants, des médecins, des philosophes et des artistes ont accordé un intérêt méthodique aux intersexes, non sans chercher à faire disparaître des anatomies jugées « déviantes » sous les scalpels mutilants. (...)

Dans le fond, l’intersexe pose une question qui concerne tous les humains et toutes les formes culturelles. Des systèmes organisés autour de valeurs binaires peuvent-ils admettre ce qui, à leurs yeux, serait une « ambiguïté », parce qu’elle relèverait en même temps des deux valeurs opposées, ou parce qu’elle impliquerait de modifier radicalement l’une de ces deux valeurs afin que cette valeur réformée puisse l’intégrer ? En d’autres termes, l’intersexe pose la question même de la démarche critique et de classification. Si le système des deux sexes est une construction intellectuelle, un produit de la méthode scientifique qui procède par distinctions binaires, n’existe-t-il pas pourtant plus de deux sexes ? Ne peut-on pas admettre l’existence d’un archipel de sexes, que le sens commun mais aussi la science se chargeraient de réduire en deux grands îlots unifiés par des normes ? Ou plutôt, comment faire droit à cet archipel donc l’existence est désormais largement admise ? (...)