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L’irrésistible ascension médiatique de Benjamin Cauchy
Article mis en ligne le 22 décembre 2018
dernière modification le 21 décembre 2018

Dès ses débuts, le mouvement des gilets jaunes s’est en partie distingué d’autres mobilisations sociales par son hostilité envers toute forme de hiérarchie et sa réticence à désigner en son sein des représentants ou des porte-parole. Une telle attitude ne fait pas du tout l’affaire des médias audiovisuels, qui conçoivent en grande partie l’information sur les mouvements sociaux sous la forme rituelle d’interviews de leurs représentants-vedettes, habitués des plateaux. Et si le mouvement social ne produit pas de tels clients, ou pas ceux qui leur conviennent, les médias se chargent eux-mêmes de rectifier le tir [1], avec l’éventuelle complicité active de quelque candidat en quête de notoriété.

L’histoire médiatique toute récente (et pas encore terminée) de Benjamin Cauchy, pseudo porte-parole des gilets jaunes, illustre bien ce phénomène, qui n’est autre qu’un des « pouvoirs des médias » : celui de co-construire puis de promouvoir la visibilité publique de ceux qui seront désignés aptes et légitimes à s’exprimer « au nom de »… (...)

C’est avec une clarté méritoire que Benjamin Cauchy explique lui-même, au cours d’une des multiples interviews qu’il a accordées, les raisons de son succès médiatique.

Europe 1, matinale du 21 novembre, avec Nikos Aliagas :

 Céline Da Costa : Vous recevez ce matin le porte-parole des gilets jaunes à Toulouse, Benjamin Cauchy.
 Nikos Aliagas : Bonjour Benjamin Cauchy.
 Benjamin Cauchy : Bonjour.
 NA : Vous êtes en direct de Toulouse ce matin, on vous présente comme l’un des porte-parole, on vous voit dans les médias, porte-parole des gilets jaunes de Haute-Garonne. Comment devient-on porte-parole ? Vous avez été élu ? Vous vous êtes autoproclamé ? Vous avez juste pris la parole ?
 BC : Ni l’un ni l’autre, effectivement, Monsieur Aliagas, j’ai pris la parole ; vos confrères ont souhaité à plusieurs reprises me solliciter et désormais, à l’échelle nationale, nous sommes une petite poignée de porte-parole qui avons été identifiés et, du coup, nous avons désormais plus de facilité vis-à-vis de vous pour porter nos revendications et la colère du peuple français. (...)

Bref, il est l’élu des médias… selon une logique toute particulière : plus tu es invité, plus tu seras invité. Tu seras même intronisé porte-parole d’un mouvement qui n’a pas de porte-parole, puisque l’on répète partout que tu es un porte-parole.

Le non-choisi par les gilets jaunes (...)

Las ! le 26 novembre, alors que les gilets jaunes choisissent pour la première fois des porte-parole, la candidature de Cauchy n’est pas retenue parmi les huit choisies, justement à cause de son pedigree jugé incompatible avec le mouvement, mais aussi en raison de son omniprésence dans les médias (...)

Ni une ni deux, il se précipite chez Yves Calvi, qui accueille à bras ouverts un Benjamin Cauchy dépité par cette décision, accusant les gilets jaunes de ne pas accorder de « droit de cité », dit-il, à « des personnes qui ont des convictions politiques qui sont à droite de l’extrême gauche » [Ça fait du monde ! ndlr]. Yves Calvi ne se tient plus : « Il y a un problème de démocratie au sein des gilets jaunes, dites-moi la vérité ! ». Monsieur Cauchy ne se fait pas prier : « Il n’y a pas de démocratie, il n’y a pas de démocratie… » La démocratie, c’est quand les médias le choisissent, sans doute… (...)

La personnalisation des luttes : une obsession médiatique (...)

Ajoutons que depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », les grands médias sont en quête de « sorties de crise » et outrepassent de très loin leur rôle de journalistes en allant jusqu’à construire leurs plateaux de télévision comme des réunions de « dialogue » à l’Élysée. Cette participation active dans la structuration (et donc dans l’évolution) du mouvement nécessite des interlocuteurs jouant le rôle de « représentants officiels » : qui d’autre qu’un « porte-parole » pourrait en effet participer au « dialogue social » avec le gouvernement afin que se dessine une « sortie de crise » ?

Et il se trouve que dans ce grand jeu, Benjamin Cauchy était le parfait candidat. (...)

Évidemment, la tendance modérée, dont Benjamin Cauchy est désormais un fer de lance (mais non le seul), a toutes les faveurs des éditorialistes qui ne cessent d’invectiver les « casseurs » et d’appeler au retour à l’ordre. (...)

L’histoire médiatique toute récente (et pas encore terminée) de Benjamin Cauchy, pseudo porte-parole des gilets jaunes, illustre bien ce phénomène, qui n’est autre qu’un des « pouvoirs des médias » : celui de co-construire puis de promouvoir la visibilité publique de ceux qui seront désignés aptes et légitimes à s’exprimer « au nom de »… (...)

C’est avec une clarté méritoire que Benjamin Cauchy explique lui-même, au cours d’une des multiples interviews qu’il a accordées, les raisons de son succès médiatique.

Europe 1, matinale du 21 novembre, avec Nikos Aliagas :

 Céline Da Costa : Vous recevez ce matin le porte-parole des gilets jaunes à Toulouse, Benjamin Cauchy.
 Nikos Aliagas : Bonjour Benjamin Cauchy.
 Benjamin Cauchy : Bonjour.
 NA : Vous êtes en direct de Toulouse ce matin, on vous présente comme l’un des porte-parole, on vous voit dans les médias, porte-parole des gilets jaunes de Haute-Garonne. Comment devient-on porte-parole ? Vous avez été élu ? Vous vous êtes autoproclamé ? Vous avez juste pris la parole ?
 BC : Ni l’un ni l’autre, effectivement, Monsieur Aliagas, j’ai pris la parole ; vos confrères ont souhaité à plusieurs reprises me solliciter et désormais, à l’échelle nationale, nous sommes une petite poignée de porte-parole qui avons été identifiés et, du coup, nous avons désormais plus de facilité vis-à-vis de vous pour porter nos revendications et la colère du peuple français. (...)

Bref, il est l’élu des médias… selon une logique toute particulière : plus tu es invité, plus tu seras invité. Tu seras même intronisé porte-parole d’un mouvement qui n’a pas de porte-parole, puisque l’on répète partout que tu es un porte-parole.(...)