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L’irruption des contre-publics Par Éric Fassin SOCIOLOGUE
Article mis en ligne le 14 février 2018

Les réseaux sociaux ont soudainement ouvert l’espace public à des voix jusque-là inaudibles. Une véritable politique du hashtag s’est ainsi mise en place au service de ce que la philosophe Nancy Fraser nomme des « contre-publics » – pour le meilleur comme pour le pire.

L’espace public est la condition de possibilité de la vie démocratique moderne ; c’en est aussi la limite. La thèse du philosophe Jürgen Habermas, qui introduisait cette notion en 1962 en proposant une « archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise », a montré l’importance des salons et des cafés, et bien sûr des gazettes, pour le développement d’un esprit critique qui bouscule l’autorité de la monarchie absolue au XVIIIème siècle. L’espace physique devient virtuel : on passe ainsi de la place publique, l’agora des démocraties antiques, à la sphère publique moderne.

Si cet espace public est bien la matrice de la démocratie libérale, peut-on considérer pour autant qu’il est lui-même démocratique ? C’est la question que pose la philosophe Nancy Fraser en relisant Habermas au lendemain de la chute du Mur de Berlin. En effet, le contexte d’un triomphe du libéralisme, tant politique qu’économique, appelle à « repenser l’espace public ». Constitué historiquement dans le rapport à la « société bourgeoise », celui-ci est fondé sur une série d’exclusions – à commencer par les femmes, qui sont reléguées dans la sphère domestique. (...)