
Les nouveaux députés insoumis ont célébré le succès de la Nupes lors des journées d’été du parti. Entre récit des premiers jours et stratégie pour la rentrée, ils cultivent leur statut de seuls véritables opposants.
Chez les Insoumis, les années défilent et les symboles changent. Le « V » de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) était partout, au point d’éclipser la lettre grecque phi lors des « Amphis d’été » de la France Insoumise, qui se tenaient pour la troisième année consécutive à Châteauneuf-sur-Isère, près de Valence, du 25 au 28 août.
Passés de 17 à 75 à l’Assemblée nationale, les anciens et nouveaux députés ont soigné pendant ces quatre jours l’alliance avec les communistes, les verts et les socialistes pour préparer une rentrée politique qui s’annonce intense, tout en évitant les pièges de la division. (...)
Objectif : apparaître comme la seule force d’opposition au gouvernement. « Nous assistons à une recomposition politique majeure », analyse Aurélie Trouvé, nouvelle députée de la 9ᵉ circonscription de Seine-Saint-Denis du groupe France Insoumise et ancienne présidente d’Attac. (...)
L’économiste a beaucoup œuvré au sein du parlement de l’Union populaire, renommé depuis « Parlement de la Nupes », réunissant des économistes, des penseurs et militants de la société civile.
Il faut dire que la stratégie de l’Union populaire, le nom du slogan de la campagne présidentielle, a porté ses fruits auprès des militants de la France Insoumise qui n’ont pas rechigné à soutenir les candidats et candidates Nupes, même s’ils n’étaient pas issus de leur formation politique. (...)
Pour les cadres du parti, il faut se préparer à une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République qui a perdu sa majorité lors des dernières élections législatives (de 308 à 166 députés). L’effervescence militante doit, dans ce cas, être rapidement mobilisable. (...)
Préserver cette union et la faire grandir, « l’émulation plutôt que la compétition », dira Jean-Luc Mélenchon, lors du discours de clôture qu’il a effectué sur un pupitre estampillé Nupes. « Les gens ont voté pour vous, parce que vous êtes Nupes, n’oublions pas que notre parole est engagée », a-t-il rappelé à la coalition. Les Insoumis en sont persuadés, l’union est le seul moyen de faire bloc face aux 89 députés Rassemblement national et aux membres des groupes Renaissance (ex-LREM) et Les Républicains. (...)
Il reste à inventer comment afficher ses divergences, en débattre sans que cela ne provoque de crises. (...)
L’idée d’une candidature commune aux élections européennes 2024, lancée par le député LFI Manuel Bompard, a pourtant provoqué quelques remous. Les Verts y sont à ce jour opposés (...)
La coprésidente du groupe Écologiste-Nupes à l’Assemblée nationale craint une mise en scène de leur division alors « que nous devons nous concentrer sur ce que nous sommes en train de construire maintenant ».
Le mot d’ordre est donc d’afficher ce qui unit. En cette rentrée politique, la Nupes veut occuper l’espace : pétition pour taxer les superprofits, organisation d’une marche avec les syndicats à la mi-octobre contre la vie chère, proposition d’un projet de financement de la Sécurité sociale. Alors que se tenaient au même moment les universités d’été du PS à Blois, Olivier Faure a proposé un référendum d’initiative partagée pour « forcer le président de la République à aller vers cette taxation des superprofits ». Proposition applaudie côté Insoumis. (...)
La position du chef de file Jean-Luc Mélenchon, « en retrait, mais pas en retraite », interroge d’ores et déjà sur sa succession. Mais, il y aussi la croissance du mouvement, qui aurait gagné, selon Mathilde Panot, 360 000 adhérents lors des dernières élections.
Dans un article posté sur son blog, Clémentine Autain estime nécessaire une restructuration profonde. « Les lieux de prises de décisions restent flous, l’espace du débat stratégique n’est pas identifié, la partition entre le local et le national mériterait d’être redéfinie », écrit-elle. LFI vit une « crise de croissance réjouissante », ironise Mathilde Panot qui affirme que cette question d’organisation du mouvement en interne va occuper les 75 députés dans les prochains mois. (...)
Les nouveaux Insoumis, leur histoire militante et leurs luttes, ont d’ailleurs été présentés au public, parfois avec humour et émotion dans une ambiance décontractée. Ont rejoint le groupe à l’Assemblée, entre autres, François Piquemal (4ᵉ circo, Haute-Garonne) professeur d’histoire-géo et ancien porte-parole de l’association Droit au logement, très actif sur la lutte contre les expulsions et le mal-logement. Frédéric Mathieu, (1ʳᵉ circ Ille-et-Vilaine), cadre de la fonction publique au sein du ministère des Armées et syndicaliste, qui entend « remettre de la politique dans la commission de la défense ».
Ou encore Louis Boyard, 22 ans, le plus jeune député de métropole de l’Assemblée, militant contre Parcoursup et ancien président de l’Union nationale des lycéens, qui entend représenter « les aspirations politiques de la jeunesse » qu’il estime plus « poussées et radicales ». « Que ce soit sur les questions sociales, écologistes, de genre, féministes, anti-racistes, la jeunesse appelle à mener plusieurs révolutions sur tous ces sujets », estime-t-il. (...)
Quant à la place de l’écologie dans leur culture politique, elle est « un fil rouge », affirme Élise Leboucher, éducatrice spécialisée en pédopsychiatrie, syndicaliste nouvellement élue dans la Sarthe qui a commencé à travailler sur les maisons fissurées par la sécheresse.
Alors qu’un été caniculaire s’achève, les incendies et la sécheresse encore dans toutes les têtes, les députés Insoumis offrent une relecture du traditionnel clivage « gauche-droite ». Désormais, il y a d’un côté, les tenants du capitalisme, les « néolibéraux » — dans lequel ils intègrent le Rassemblement national ; de l’autre le bloc de rupture, qu’ils entendent bien incarner avec la Nupes, et qui souhaite une répartition des richesses et un changement du système à la racine.