
Le « grand débat national » est présenté comme une réponse. Mais c’est une mauvaise réponse : le gouvernement ne peut pas en même temps donner la parole au peuple et rester maître de la décision finale. Restituer ce pouvoir au peuple appelle une Constituante.
Le Président a décrété l’état d’urgence économique et sociale. En réalité, il y a une urgence démocratique. Pierre Rosanvallon constate : « Nos régimes peuvent être dits démocratiques, mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement ». Les problèmes économiques et sociaux du pays sont la conséquence directe de ce mode de gouvernement.
Le « grand débat national » est une mauvaise réponse à cette urgence : le gouvernement ne peut pas en même temps donner la parole au peuple et rester maître de la décision finale. En même temps ouvrir un débat sur la fiscalité et laisser entendre qu’il faut évaluer la réforme de l’ISF avant le rétablir éventuellement cet impôt. En même temps dire « que cent fleurs d’épanouissent » et réserver au Président le choix de celles qu’il cueillera au printemps.
Le problème n’est pas d’organiser un concours Lépine des plus belles idées sur l’écologie, la fiscalité et les dépenses publique, la démocratie et la citoyenneté, l’organisation de l’Etat et des services publics. Le problème, c’est de restituer au peuple le pouvoir de décider, lui donner la possibilité effective de changer les règles du jeu. Restituer ce pouvoir au peuple appelle une Constituante. Et face à un pouvoir légal de plus en plus illégitime et à une alternative politique à construire, pourquoi ne pas expérimenter le tirage au sort ?
Les précédents existent (...)
Faire le pari de l’intelligence citoyenne
L’enjeu est d’admettre qu’une telle assemblée pourrait avoir un mandat constituant. De faire le pari qu’une intelligence collective pourrait répondre à la crise mieux que le pouvoir politique. D’admettre que ce ne serait pas le Président mais une assemblée de citoyens lambdas qui décideraient des questions à poser, et que ce seraient tous les citoyens qui décideraient de répondre oui ou non, par exemple au moment des élections européennes du 26 mai prochain.
Cette assemblée pourrait ainsi proposer (ou non) d’abolir notre monarchie républicaine, de réformer la représentation politique, d’élargir le recours au référendum, de définir les conditions d’indépendance de la justice... Elle pourrait, pour emprunter les mots de Dominique Rousseau, radicaliser la démocratie, et instaurer une démocratie continue. (...)
Ce serait aussi un retour aux fondamentaux. Car l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame que « la loi est l’expression de la volonté générale et que tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ». Et l’article 2 de la Constitution rappelle le principe de la République ; gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. (...)