
Alors que le gouvernement prétend s’arroger le droit de distribuer des bons points aux journaux et classer les médias entre ceux qui disent la vérité et les autres, un rapport très officiel éclaire un peu plus la conception toute particulière de l’exécutif quant à la liberté de la presse et la liberté d’expression. En effet, dans son rapport sur « l’offensive contre la liberté de la presse », le Conseil de l’Europe classe la France dans le groupe des 10 pays « à suivre », en raison des violences policières à l’encontre des journalistes couvrant les manifestations
À la veille de la Journée mondiale pour la liberté de la presse (3 mai), c’est une place en tête du classement dont le gouvernement français se serait sans doute passé. Sur les 47 pays membres du Conseil de l’Europe, la France fait partie du groupe des 10 pays que l’institution européenne de défense des droits de l’homme critique le plus gravement pour le nombre d’agressions contre les journalistes perpétrées par les forces de police. Un groupe dans lequel la France côtoie des pays comme la Turquie, l’Azerbaïdjan, l’Ukraine, la Hongrie, ou bien la Fédération de Russie.
« La France fait partie des pays qui ont fait l’objet du plus grand nombre d’alertes publiées sur la Plateforme en 2019 », note le rapport, précisant que la plus grande partie de ces alertes concerne « les violences ou des mesures de police agressives contre les journalistes couvrant les manifestations ».
La plateforme mise en place par le Conseil de l’Europe, qui recueille les informations sur les atteintes aux droits des journalistes, bénéficie du partenariat de 14 organisations internationales indépendantes œuvrant dans le domaine de la défense de la liberté de la presse, comme la Fédération internationale des journalistes, l’International Press Institute, ou Reporters sans frontières. (...)
"En un an, en France, près de 200 cas de journalistes molestés, blessés, initimidés ou empêchés de travailler" (...)
Le Conseil de l’Europe rappelle que la France a déjà fait l’objet de critiques de la part de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil, ainsi que de plusieurs organes des Nations Unies, pour les cas de violences policières lors des manifestations.
Champ de bataille et impunité
Difficilement imaginable il y a quelques années, l’Europe est donc devenue l’un des continents où l’activité des journalistes est la plus mise à mal, « un champ de bataille intense et souvent dangereux pour la liberté de la presse et la liberté d’expression », déclare le Conseil de l’Europe, qui rappelle qu’au cours de l’année passée, deux journalistes ont été tués dans deux des États membres du Conseil : Lyra McKee, abattue alors qu’elle couvrait une émeute en Irlande du Nord, et Vadym Komarov mort de ses blessures après une agression en Ukraine.
Dans d’autres meurtres commis au cours des années précédentes (le rapport cite 22 cas), les auteurs bénéficient d’une impunité, « ce qui remet en question l’engagement collectif de l’Europe en faveur de l’État de droit », avertit gravement le Conseil (...)
C’est pourquoi, constatant que « la liberté des médias en Europe est très insatisfaisante », le Conseil de l’Europe adresse un puissant signal d’alarme à tous les États, considérant que « les tentatives politiques de mainmise sur les médias et l’incapacité de nombreuses autorités nationales à maintenir un cadre crédible de protection de la liberté des médias, sont désormais systémiques ».