
Il y a quelques mois, mes avocats s’adressaient au Conseil Constitutionnel pour demander aux « Sages de la rue Cambon » si les articles de loi L. 622-1 et L. 622-4 du CESEDA qui condamnaient le « délit de solidarité », n’étaient pas anticonstitutionnels car contraires à l’une des valeurs principales de la République française, inscrites sur tous nos frontons : la fraternité.
Pour la première fois (cette question avait déjà été soulevée 2 fois), le Conseil Constitutionnel accepte d’y répondre : c’était déjà une belle victoire. Le vendredi 6 juillet restera une date historique : le Conseil Constitutionnel consacre la fraternité comme principe à valeur constitutionnelle. Tout individu a le droit d’aider une personne en situation irrégulière, sous n’importe quelle forme (transport, hébergement, conseil juridique, etc.) à des fins humanitaires, sans être poursuivie. Les articles de loi anticonstitutionnels doivent (normalement) être ré écrits avant le 1er décembre 2018.
Bien sûr, cette victoire est immense, bien sûr, elle n’est pas totale. Par exemple, l’aide à l’entrée sur le territoire de personnes en situation irrégulière (le franchissement de frontière donc) n’est toujours pas permis. J’ai expliqué ma position là-dessus dans ce communiqué (https://www.facebook.com/HerrouCedric/posts/1952639701647252) : il est crucial de faire respecter le droit d’asile à la frontière pour permettre aux personnes de rentrer en toute légalité sur le territoire, justement sans avoir besoin « d’aidants ». C’était d’ailleurs l’autre pendant de notre pétition, « Egalité » : que les personnes migrantes, qu’elles soient en situation irrégulière ou demandeuses d’asile, soient traitées à la même enseigne que des « Français », qu’ils aient accès à leurs droits, à la dignité, et que l’on cesse de faire d’eux des « sous-hommes ».
Bref, le combat n’est pas terminé - bien heureusement d’ailleurs - mais nous pouvons tous nous réjouir de cette excellence avancée dans le droit français ! Nous pouvons être fiers d’y avoir contribué.
D’ailleurs, dès demain nous aurons un premier aperçu de l’effet de cette nouvelle sur un cas concret : le procès de Martine Landry, membre d’Amnesty International et l’ANAFE, à Nice, jugée pour aide à l’entrée de deux mineurs en situation irrégulière (ce qui est d’ailleurs assez drôle puisqu’un mineur en situation irrégulière ça n’existe pas dans le droit français). Bien que la loi ne soit pas encore changée, nous verrons si cela a un impact sur les juges.
A l’échelle européenne, nous espérons également faire bouger les choses : une initiative citoyenne européenne intitulée We are welcoming (Nous accueillons) lancée par le Migration Policy Group est en cours. Une initiative citoyenne européenne est le meilleur instrument de démocratie participative à l’échelle européenne. L’objectif est de recueillir un million de signatures sur papier ou en ligne en un an et dans au moins sept États membres. Une fois ces exigences réunies, les organisateurs sont invités à présenter leur initiative lors d’une audition publique organisée au Parlement européen ainsi la Commission est obligée de répondre aux propositions de l’ICE. Vous pouvez la signer ici et la partager massivement autour de vous ! https://www.weareawelcomingeurope.eu/fr/sign_the_petition/
Merci encore mille fois de votre soutien, continuons à nous battre car cette lutte est belle !
Forza,
Cédric Herrou, président de DTC – Défends ta citoyenneté