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article XI
« La Terreur est l’oxygène de l’État »
Article mis en ligne le 14 décembre 2010
dernière modification le 12 décembre 2010

« Les cris sont désormais bien audibles et le monde commence à sortir de sa torpeur. » Des Images et des bombes [2], l’ouvrage qu’ils écrivirent à huit mains en 2005, deux ans après l’invasion de l’Irak, se terminait sur ces mots, entre constat lucide et prophétie. Les activistes de Retort – collectif informel basé dans la baie de San Francisco [3] – sont convaincus que les conditions d’oppression impérialiste ont changé, qu’une nouvelle ère a commencé. Face à l’horreur impériale – Irak, Afghanistan – et à la terreur généralisée, qu’elle soit étatique ou religieuse, ils plaident pour une Gauche débarrassée des oripeaux du passé et enfin offensive. Entretien collectif.

(...) Les planificateurs de l’Empire espèrent prendre l’ascendant sur les résistances telles qu’elles existent au XXIe siècle – « guerres du peuple [5] », soulèvements tribaux, acteurs non-étatiques – grâce à leur maîtrise du ciel et à leur capacité à livrer des versions toujours plus sophistiquées de la mort aéroportée. Il reste pourtant improbable que des drones, aussi « intelligents » soient-ils, puissent contrer le caractère furtif autant qu’artisanal des voitures piégées et des engins explosifs improvisés, ainsi que le refus généralisé des populations locales d’accepter les mandataires choisis par Washington. (...)

Si ces guerres peuvent être considérées comme des défaites étatiques, elles sont très bénéfiques pour le business de certaines sociétés américaines : Halliburton, Bechtel, Blackwater – ces entreprises en tirent un immense profit.(...)

Malgré la défaite militaire, voire grâce à elle, se présentent des opportunités de nouvelles accumulations dans un champ de ruines, même si – évidemment – le capitalisme ne s’attache à aucune forme de territoire en particulier. Il faut surtout prendre en compte ce qui ne peut plus fleurir dans le chaos, à savoir toute forme d’opposition au monde capitaliste. Terreau parfait pour la Droite (...)

En sus de l’Irak et de l’Afghanistan, les États-Unis sont actuellement engagés dans trois autres guerres : au Pakistan, au Yémen et en Somalie. Ils doivent d’une manière ou d’une autre parvenir à faire entrer ces conflits non déclarés dans le cadre du Spectacle. Sachant que pèsent sur eux, ainsi que nous le déclarions dans Des Images et des bombes, le danger permanent d’une crise de gestion des symboles.(....)

Depuis le 11 septembre, l’antiterrorisme est devenu l’une des clés de fonctionnement des démocraties occidentales. Comment contrer cette propagande ?

La terreur est l’oxygène de l’État. Les jalons essentiels du terrorisme moderne ont été posés par des bombardements aériens, cette menace de mort massive pointée sur les civils comme une épée de Damoclès – de Guernica à Gaza. L’épithète « terroriste » est uniquement appliquée aux autres, à ces ennemis désignés par les autorités, où qu’ils soient. Comme vous le suggérez, le terme a proliféré jusqu’à désigner toute forme de résistance à la mondialisation capitaliste. Par conséquent, il faut commencer par rejeter le présupposé sous-tendant le débat sur le terrorisme, et refuser de s’engager sur le terrain de la rhétorique étatique.
Aux États-Unis, l’absence généralisée de critique à ce sujet s’explique par un mélange de peur, d’indifférence, de xénophobie, de bâillonnement des voix critiques et, peut-être, d’une certaine stupéfaction provoquée par les médias. (...)

les manifestations de 2003 ont constitué un moment fondamental dans l’histoire, celui où - pour la première fois - des millions de gens se sont rassemblés dans le monde entier, contre la volonté des partis et des États, pour tenter d’arrêter une guerre impérialiste avant qu’elle ne commence. Ceci dit, même si nous étions enthousiasmés par l’insubordination s’exprimant à travers les pancartes et slogans, nous avions aussi conscience des limites et des insuffisances de l’opposition. (...)

En ce qui concerne la résistance à l’ordre néolibéral, nous tenons simplement à dire que ses conditions ont changé ; les institutions modernes font face à une crise de légitimité qui va en s’aggravant. Dans le même temps, on constate un épuisement des formes et espaces culturels autour desquels la Gauche a organisé son opposition depuis deux siècles. (...)

l’Islam révolutionnaire est la plus puissante – et désastreuse – réponse à une réalité misérable que cette avant-garde islamique cherche à exploiter, une réponse à laquelle la Gauche doit de toute urgence offrir une alternative – qui ne serait ni orthodoxe, ni nostalgique, ni ségrégative, ni apocalyptique.

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