
Mon sang n’a fait qu’un tour en entendant cette nouvelle, alors que j’écoutais mon émission favorite, sur France-inter, en refaisant le papier peint de ma chambre.
Pas "le jeu des mille euros", mais " Là-bas si j’y suis " , avec Daniel Mermet et son équipe.
« Les rumeurs inquiétantes circulent toujours et nous attendons de connaître précisément les intentions de la direction. Nous vous informerons dès que possible. Pour cela, laissez-nous votre adresse mail sur le site www.la-bas.org.
Chers AMG, nous avons besoin de tout votre soutien, faites circuler le plus possible, partout.
N’oubliez pas que France Inter vous appartient ! »
"Bon dieu ! Ils ne vont pas quand même oser supprimer cette émission !"
J’étais près de la fenêtre, me débattant dans un lai de papier peint.
Un avion passait très haut dans le ciel.
J’avais entendu comme à l’habitude, avec un certain plaisir le jingle de l’émission. Un titre de Cole Porter, interprété par Cannonball Adderley. Du jazz, et du bon, avec un bon piston vibrant dés l’allumage !
Cette pétarade synchronisée ensuite de la vieille Harley Davidson, suite du générique, qui vous invite à prendre le large, en lâchant les chevaux, d’une autre façon qu’avec un camping car !
C’est drôle comment en quelques secondes, comme dans un bon roman, ou un bon film, ou une bonne rencontre, un certain ton est donné….
On aime ou l’on déteste, en tout cas ça ne vous laisse pas indifférent. (...)
S’il y a une émission qui vous invente des yeux entre les oreilles, c’est bien celle ci !
Pas seulement à cause d’un ton spécifique, de la voix un peu gouailleuse de Mermet, vieux grigou, marin aimant toujours autant la mer, malgré pas mal de désillusions et de naufrages, parfait conteur, et qui vous ferait facilement le coup de la mille et deuxième nuit.
Non, il y a encore autre chose, qui tient au choix d’une certaine ligne éditoriale atypique, qui donne la parole aux sans grades ( et non aux cent grades), aux utopistes, aux imbéciles heureux vivant des endroits oubliés de la jet set, et pourtant ouvrant chacun leur petite fenêtre radiophonique, pour nous faire vivre leur différence.(...)
Ce jour, plusieurs rédacteurs s’inquiètent, est ce un hasard du temps, d’une presse sirupeuse, aux ordres, ou pire, à qui l’on a même plus besoin de donner des ordres de conformité pour qu’elle prenne la posture du garde-vous, ou du silence.
« Les médias ont remplacé le prêtre d’autrefois, qui, depuis sa chaire, nous disait quoi faire et ne pas faire. Ils contrôlent notre culture de manière très pernicieuse, en marginalisant les discours alternatifs. La pensée radicale ne suscite que la méfiance, elle parait excentrique, déplacée, absolument pas crédible » Nous dit Ken Loach, dans un interview au Télérama de la semaine.
Dans le journal mensuel Le Monde diplomatique, le journaliste Jean-Claude Guillebaud écrit en février 2000 : « Là-bas si j’y suis n’est pas seulement une magnifique innovation radiophonique que plusieurs prix ont récompensée. C’est aussi quelque chose comme un contre-pouvoir médiatique, un lieu unique de résistance à l’air du temps. Les oubliés de la grande information y retrouvent les vaincus du système, les sans-grade et sans-paillettes, les anonymes du bout de la France ou les copains de bistrot que les reporters de l’équipe Mermet savent écouter avec une fraternité sans chichis » 2.
Ce n’est pas la première fois que l’émission rencontre des difficultés.(...)
Aura-t-il fallu attendre la nomination de monsieur Normal à la présidence, et ses postures de bibendum Michelin, « Moi président », pour que le bruit d’échappement de la vieille Harley s’échappe dans la nuit, sans espoir de retour ?
Même Sarko n’avait pas osé supprimer cette émission phare !
Phare au mileur de la mer des sarcasmes, et des esprits formatés, elle brille par sa différence, répondant exactement au slogan de cette radio.
On voudrait bien que ce soit pas qu’un slogan publicitaire, une coquille vide, à l’intérieur de laquelle on écoute la mer, et son bruit de vagues incessant.
« Quand s’éloigne la tourmente
Quand retombe la poussière pesante
Et que sombre le pays
Dans le sommeil et l’ennui »
Alors, si c’est le cas, nous resterons orphelins. (...)
Le site là- bas si j’y suis