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La bioéthique à fleurets mouchetés
Article mis en ligne le 18 septembre 2014
dernière modification le 9 septembre 2014

* Dans la liste des livres marquants de la rentrée des essais, il y a celui du philosophe Ruwen Ogien Philosopher ou faire l’amour qui prône encore une fois, et dans la cohérence de ses précédents écrits, une autonomie des choix. Dans son ouvrage
La vie, la mort, l’Etat : Le débat bioéthique il questionnait alors l’interdit de la loi et l’autorité de la morale au creux d’une certaine histoire de la philosophie devant des problématiques sociétales.

Dans un passage extrêmement célèbre et, paradoxalement, peu étudié pour lui-même, Kant prolonge l’analyse de ce qu’il appelle l’"état de minorité" par une série d’exemples censés illustrer la façon dont cet état de servitude volontaire peut s’exercer dans les différents domaines de l’existence. "Il est si commode d’être mineur", écrit-il : "si j’ai un livre qui me tient lieu d’entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui juge de mon régime à ma place, etc., je n’ai pas besoin de me fatiguer moi-même. Je ne suis pas obligé de penser, pourvu que je puisse payer."

Les commentateurs auront tôt fait de faire correspondre à chaque domaine où Kant voit s’installer le risque d’une direction totalitaire l’un des grands traités où il s’est efforcé d’élucider les conditions d’un usage autonome de nos facultés (...)

Le problème que soulève Kant de façon fulgurante est celui du "paternalisme médical", pour reprendre le nom qui lui a été donné dans les travaux modernes de bioéthique.

Pour le dire brièvement, la question est de savoir si le patient est le mieux placé pour déterminer son propre intérêt, ou si les médecins (ou l’équipe soignante, ou les tiers) ne sont pas plus à même d’en juger .

La position de Kant ne laisse pas de place au doute : le médecin ne doit pas s’interposer entre le malade et la manière dont il vit sa maladie, c’est à ce dernier qu’il appartient de décider si la vie sous traitement qu’on lui propose vaut plus ou moins à ses yeux que celle qu’il vit actuellement dans la maladie. (...)

l’essai de Ruwen Ogien qui vient de paraître est tout entier consacré à une dénonciation des formes pernicieuses contemporaines que peut revêtir le paternalisme dans le domaine de l’encadrement juridique de la procréation assistée (fécondation in vitro, transfert d’embryons, insémination avec le sperme d’un donneur, etc.), de la gestation pour autrui, du clonage reproductif, de l’euthanasie – bref, de la vie et de la mort.

Les questions qu’il pose, qui relèvent à la fois de la philosophie morale et de la philosophie politique, sont les suivantes : le suicide assisté sous ses différentes formes, le recours à une mère porteuse, l’aide médicale à la procréation pour les gays, les lesbiennes et les femmes jugées "trop âgées", le clonage reproductif doivent-ils être interdits par la loi ?

De manière plus générale, dans une société démocratique, laïque et pluraliste, l’Etat est-il habilité à définir les meilleures façons de procréer et de mourir et à les imposer à tous par la menace ou la force, ou sa tâche consiste-t-elle à protéger les conceptions de chacun dans la mesure où elles ne causent aucun tort évident à autrui ? Dans quelle mesure peut-on dire que le tort que l’on se fait à soi-même, celui que se font deux personnes consentantes et celui qui est fait à des entités abstraites, regardent, d’une manière ou d’une autre, la morale ?

A ces questions directes, l’auteur offre des réponses non moins directes (...)