
Faisant partie intégrante du tour de France, la « caravane du tour » est désormais bien loin de l’univers sportif qu’est supposé symboliser l’évènement. Très loin également d’un évènement qui se veut national, voire local. Multinationales et noms de grandes marques aux produits sous plastique occupent une place centrale dans l’évènement et ne reculent devant aucune extravagance pour convaincre les badauds que la seule voie du bonheur est de consommer leurs produits. Au même moment, de nombreux arbres sont arrachés des bordures de route en pleine zone protégée pour faire de la place aux spectateurs. Comment en est-on arrivé à une telle marchandisation d’un évènement si emblématique de la France ?
(...) Alors qu’on comptait une poignée de véhicules en 1935, ce chiffre va augmenter chaque année jusqu’à atteindre 155 véhicules en 1979. En 2004, la caravane publicitaire faisait 20 kilomètres de long pour 200 véhicules ! Un spectacle publicitaire motorisé de près d’une heure en continu où des millions de gadgets low-cost, le plus souvent made in China, sont distribués. Ainsi, la caravane du tour symbolise aujourd’hui une société qui repose désormais sur la consommation de masse et une adulation volontaire envers une poignée de monopoles. On sait aujourd’hui que 47% des spectateurs assistent à l’évènement en priorité pour le passage de la caravane publicitaire plutôt que celui des cyclistes. Les organiseurs s’en félicitent. L’aliénation dans toute sa splendeur. (...)
Car il faut bien comprendre que ce n’est pas le Tour lui même le problème. C’est la logique, l’esprit économique, qui a vidé la substance de cet évènement sportif chaque année un peu plus, tout comme cette même logique semble vider de leur substance un grand nombre d’évènements ou de pratiques culturelles. Telle la grenouille dont l’eau est portée a ébullition, peu à peu, le Tour s’est transformé en spectacle commercial à l’image la mondialisation elle même. (...)
Le tour de France est le 3e plus grand évènement sportif au monde, après la coupe du monde de football et les Jeux olympiques. Il est regardé par 3,5 milliards de téléspectateurs dans 190 pays. Cette manne de cerveaux disponibles est colossale. On comprend alors aisément l’intérêt des grandes entreprises à y être visibles. (...)
L’heure est à l’euphorie. Petits et grands, tous s’empressent de ramasser les cadeaux plastifiés que leurs jettent les multinationales. Ce n’est toujours pas l’heure de réfléchir. Ça ne le sera jamais. La scène est presque surréaliste quand on a conscience des enjeux de notre temps et des rapports de force qui existent entre ces corporations et les citoyens, l’impact sur l’environnement de ces industries agroalimentaires (sans parler de la caravane elle-même qui carbure aux énergies fossiles) et leur participation active vers des salaires toujours plus bas, les délocalisations, sans oublier leur concurrence féroce écrasant plus que jamais les alternatives locales. (...)