
Il y a 102 ans, la Turquie se rendait coupable du génocide des Arméniens. Ces crimes sont, à ce jour, restés impunis. Aujourd’hui, deux militants français d’origine arménienne réclamant justice, sont poursuivis par la justice française. Qu’ont-ils fait pour mériter cela ? Les faits qui leur sont reprochés sont, pour l’un, d’avoir lancé de l’eau colorée en rouge sur l’ambassadeur de Turquie en mars 2015 et, pour l’autre, d’avoir diffusé la scène sur les réseaux sociaux. Après 48 heures de garde à vue, ces militants seront jugés mardi 7 mars 2017 pour « violences volontaires avec préméditation ou guet apens ».
Si la « violence » que représente ce jet d’eau n’est que symbolique, la violence de l’Etat turc est, elle, tout à fait réelle. En 1915, l’Etat turc a planifié et mis en œuvre l’extermination d’un million cinq cent mille Arméniens, soit le tiers de la population arménienne vivant sur son territoire. Le génocide des Arméniens s’est accompagné d’une politique de spoliation des biens des victimes, puis d’une destruction, en voie de parachèvement aujourd’hui, des lieux de vie collective, du patrimoine et de la culture des Arméniens de Turquie. Ces crimes sont restés jusqu’à nos jours sans châtiment.
Nous le disons aujourd’hui : la violence est du côté de l’Etat turc. Ce sont pourtant les militants de la cause arménienne qui sont poursuivis en France alors que, rappelons-le, l’Etat turc, commanditaire des assassinats de trois militantes kurdes, Sakine Cansiz, Fidan Dogan, et Leyla Saylemez à Paris en 2013 n’a jamais été inquiété. Cela pendant que la République Française continue d’entretenir des liens commerciaux et diplomatiques forts avec la Turquie, sans jamais mettre en question ni la responsabilité de ce dernier dans le génocide des Arméniens de 1915, ni dans sa politique pénale actuelle. Au lieu de poursuivre des militants de la cause arménienne sur son sol, la France doit cesser d’encourager les agissements intolérables de cet Etat criminel.
Le geste symbolique de ces deux étudiants a eu lieu dans une Université française, lieu qui ne peut laisser place aux falsificateurs de l’Histoire. Cette démarche dénonciatrice doit briser le mur du silence qui est imposé aux citoyens de Turquie, et aux Arméniens du monde. En effet, le négationnisme de l’Etat turc ne se manifeste que là où se trouvent les Arméniens, comme si le bourreau d’il y a un siècle voulait finir son œuvre en réduisant à néant ou en décrédibilisant la voix portée par ceux qui luttent pour la vérité.
Ce geste est un signal d’alerte dénonçant les vagues de répressions féroces touchant tous les milieux de la société turque. (...)
Alors que ces deux militants seront jugés pour avoir défendu une cause juste, devant un homme dont la fonction l’amenait à nier un crime de masse commis contre les Arméniens, et réaffirmer leur solidarité envers ceux qui luttent pour leurs droits en Turquie, il est plus que jamais nécessaire de rappeler qu’il ne faut pas céder à l’intimidation des Etats et que seule la résistance face à la répression fera notre force.
Faisons de ce procès, le symbole du combat de deux Français d’origine arménienne, descendants des victimes du génocide et qui aujourd’hui réclament justice face à un Etat négationniste. Souhaitons que le 7 mars 2017 soit une date forte dans la cause arménienne ainsi que dans celle de tous les peuples opprimés. Pour cela soyons nombreu.x.ses le mardi 7 mars 2017 à 13h00 devant le Tribunal Correctionnel de Nanterre [1].