Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
l’Humanité
La chronique philo de Cynthia Fleury. Le deuil de l’ancien monde
Article mis en ligne le 29 mars 2020

Confinement oblige, nous avons tous en tête l’interdiction de célébrer collectivement et rituellement nos morts, et le confinement 3.0 n’a – pour l’instant – pas encore inventé la commémoration digitale, bien sûr insuffisant pis-aller, mais quand rien ne se propose tout s’invente. « De la nécessité de socialiser les deuils », écrit Jean-Michel Longneaux, dans Finitude, solitude, incertitude. Philosophie du deuil (PUF, 2020), qui rappelle que, lorsque les deuils se déritualisent, le sentiment d’appartenance à la communauté s’érode et que les deuils pathologiques se renforcent.

Le livre aurait pu s’appeler « Philosophie en temps de coronavirus », tant les enseignements délivrés peuvent être pertinents dans ce monde qui vacille et qui peine à accepter de devenir autre. Car notre monde ne veut pas faire le deuil de ce qu’il a été. (...)

Quel que soit notre deuil, celui d’un monde qui s’en va, du passé, d’une histoire d’amour, d’un être cher mort… l’enseignement reste le même ; c’est celui donné par Descartes dans ses Méditations, à savoir renoncer à nos fausses certitudes les unes après les autres. (...)

pour goûter le sens de la finitude, de la solitude et des incertitudes apprivoisées. « Ce à quoi il nous faut mourir, c’est (…) à tout ce que l’on n’est plus et à quoi, pourtant, on continue de s’accrocher désespérément. Car que reste-t-il de soi quand on est privé des rôles qui font notre existence ? » Que reste-t-il de soi, en effet, quand on n’est plus parent, ou enfant, ou mari, ou épouse, ou travailleur reconnu dans tel ou tel ordre ? Longneaux, en héritier stoïcien, dresse le portrait flatteur de cet apprentissage complexe, celui de nos limites : « Accepter la finitude, c’est adopter, effectivement, une sorte de simplicité volontaire qui rend la vie légère. » Renoncer à la toute-puissance, c’est découvrir le bonheur de l’aide, de demander de l’aide. Renoncer au désir de fusion, profondément déceptif, c’est accepter le bonheur de la relation, combinée à la solitude tranquille. Accepter enfin l’incertitude, c’est cesser de croire illusoirement que ce monde nous doit quelque chose et qu’il est injuste. (...)