
Confinement oblige, nous avons tous en tête l’interdiction de célébrer collectivement et rituellement nos morts, et le confinement 3.0 n’a – pour l’instant – pas encore inventé la commémoration digitale, bien sûr insuffisant pis-aller, mais quand rien ne se propose tout s’invente. « De la nécessité de socialiser les deuils », écrit Jean-Michel Longneaux, dans Finitude, solitude, incertitude. Philosophie du deuil (PUF, 2020), qui rappelle que, lorsque les deuils se déritualisent, le sentiment d’appartenance à la communauté s’érode et que les deuils pathologiques se renforcent.
Le livre aurait pu s’appeler « Philosophie en temps de coronavirus », tant les enseignements délivrés peuvent être pertinents dans ce monde qui vacille et qui peine à accepter de devenir autre. Car notre monde ne veut pas faire le deuil de ce qu’il a été. (...)
Quel que soit notre deuil, celui d’un monde qui s’en va, du passé, d’une histoire d’amour, d’un être cher mort… l’enseignement reste le même ; c’est celui donné par Descartes dans ses Méditations, à savoir renoncer à nos fausses certitudes les unes après les autres. (...)
pour goûter le sens de la finitude, de la solitude et des incertitudes apprivoisées. « Ce à quoi il nous faut mourir, c’est (…) à tout ce que l’on n’est plus et à quoi, pourtant, on continue de s’accrocher désespérément. Car que reste-t-il de soi quand on est privé des rôles qui font notre existence ? » Que reste-t-il de soi, en effet, quand on n’est plus parent, ou enfant, ou mari, ou épouse, ou travailleur reconnu dans tel ou tel ordre ? Longneaux, en héritier stoïcien, dresse le portrait flatteur de cet apprentissage complexe, celui de nos limites : « Accepter la finitude, c’est adopter, effectivement, une sorte de simplicité volontaire qui rend la vie légère. » Renoncer à la toute-puissance, c’est découvrir le bonheur de l’aide, de demander de l’aide. Renoncer au désir de fusion, profondément déceptif, c’est accepter le bonheur de la relation, combinée à la solitude tranquille. Accepter enfin l’incertitude, c’est cesser de croire illusoirement que ce monde nous doit quelque chose et qu’il est injuste. (...)