
L’histoire humaine, c’est de la tourmente et de moments d’hiver, entrecoupés parfois d’étincelles signifiantes, de la Raison comme de la Phronesis. L’étincelle du soir (8 janvier) en tout cas, fut celle de la rue Sína, devant l’Institut français au cœur de la ville. Cette rue étroite n’avait jamais accueilli une telle foule. Français vivant à Athènes et gens d’ici et d’ailleurs, tous anciens citoyens... restants du court XXe siècle de l’après-guerre, tous ont rendu un hommage silencieux aux assassinés de Charlie Hebdo. Historicisme, forcement passager et incontestablement trompeur.
L’ambassadeur de France en Grèce, M. Jean Loup Kuhn-Delforge, s’est alors exprimé assez brièvement. L’essentiel officiel sous le coup de l’émotion fort perceptible, avait été prononcé. De nombreuses personnes de la politique grecque y étaient présentes, par émotion et peut-être aussi, par souci d’une certaine... visibilité de tout temps.
J’ai remarqué par exemple, la... parousie (présence en grec) de Stávros Theodorakis, l’affligeant chef médiatique du nouveau parti dit de la “Rivière”, aux affluents douteux et autres tributaires du système politique marécageux athénien. Présente aussi, Dora Bakoyánni, Ministre de la Culture dans les années 1990, maire d’Athènes en 2003, et ministre des Affaires étrangères de février 2006 à 2009.
Elle détient le... record d’être exclue en mai 2010 de son parti, la Nouvelle démocratie de Samarás, pour avoir voté, contre la décision de son groupe parlementaire, en faveur des mesures d’austérité du gouvernement Papandréou c’est à dire, du premier mémorandum imposé par la Troïka. Son argument fut en tout cas bien clair : en tant que libérale, elle ne pouvait que voter en faveur de mesures libérales. (...)
Le lugubre et finissant Samaras justement, a perdu une occasion de se taire, après une déclaration digne de son niveau du pire déraisonnable politique : “Charlie Hebdo : l’indécente exploitation d’Antonis Samaras”, remarque en titre la revue française “Politis” sur son site.
En campagne pour les législatives, il a opéré mercredi 7 janvier un rapprochement entre l’attentat contre Charlie Hebdo et les propositions sur la politique migratoire de SYRIZA : “Aujourd’hui à Paris, un massacre s’est produit avec au moins douze morts. Et ici certains encouragent encore davantage l’immigration illégale et promettent la naturalisation”, a-t-il déclaré. (...)
Jeudi 8 janvier la presse grecque rendait ainsi un hommage tragique aux confrères de Charlie Hebdo... et à la démocratie à réinventer. À la Une du “Quotidien des Rédacteurs”, le dessin et son message sont évidents, de vocation déjà : “Les plumes l’emportent face aux balles”. Tel fut ainsi, tout le sens du rassemblement de jeudi soir devant les locaux de l’Institut français. “La route sera désormais longue et pénible” m’a dit une personne de la délégation diplomatique française. Un certain basculement se feraient alors sentir. (...)
Hommage aux morts de Charlie Hebdo et en même temps, retour progressif à travers les médias et dans les faits aux emmêlements de la campagne électorale dans la petite Grèce. En outre, il neige encore et dans les Cyclades, l’île de Tinos est sans électricité depuis plus de deux jours.
Époque alors inaccoutumée et ahurissante... moins l’électricité. Et les morts, forcement anonymes, s’accumulent ici ou là, “par le froid” ou “à cause d’un mode chauffage mal maîtrisé”. (...)
C’est ainsi dans une Grèce refroidie et grelottante que tous les sondages donnent SYRIZA en tête. On sait désormais que sauf événement majeur, l’enjeu le plus vraisemblable de ces élections se résumera en une seule et unique question : la possibilité ou pas pour SYRIZA de gouverner seul, autrement-dit de retenir la majorité des futurs élus. Plus que seize jours, pour enfin savoir. (...)
Plus sérieusement et non sans dérision affectée, notre hebdomadaire satirique et politique “To Pontíki” (la Souris) vient de publier jeudi 8 janvier la dernière partie de l’ultime dessin de Georges Wolinski, consacré justement à l’actualité grecque et européenne. Signe des temps ?