
.En toute saison, fleurissent dans de nombreux médias d’innombrables « classements » et « palmarès ». Ceux qui visent à désigner les meilleurs (et les plus mauvais) lycées, hôpitaux, ou « villes où il fait bon vivre » s’affichent même régulièrement en « Une » de la grande presse magazine. Reposant sur des données produites par d’autres, et donc peu couteux à fabriquer, reproductibles chaque année, présentant une très faible valeur informative, ces « palmarès », bien qu’ils ne surgissent pas à date fixe, sont, à leur façon, des « marronniers » journalistiques. Pourtant, sont-ils aussi anodins qu’il n’y paraît ?
Leur logique revient en effet à soumettre toute chose et toute activité à une compétition et à une concurrence permanentes, afin de classer et de hiérarchiser, de célébrer les « meilleurs » et de montrer du doigt les « mauvais ». Une invitation implicite à une guerre de tous (lycées, universités, hôpitaux, villes, pays…) contre tous les autres, afin de... progresser dans les « palmarès » ! Sans compter que ces classements incitent les lecteurs à réagir et à agir pour eux-mêmes, en tant que consommateurs à la recherche du « meilleur » service ou du « meilleur cadre de vie », plutôt que comme des citoyens actifs se mobilisant pour prendre en charge collectivement les affaires qui les concernent, défendre leurs intérêts et obtenir qu’ils soient pris en compte. (...)
Une poignée de sujets de prédilection, qui touchent le plus souvent aux préoccupations les plus intimes des lecteurs (leur santé, leur cadre de vie, le devenir de leur progéniture), focalise ainsi l’attention des médias qui se transforment alors en arbitres d’on ne sait trop quoi (...)
Une vision du monde ultra-libérale qui n’est pas rappeler celle du trader, l’œil rivé sur l’évolution des cours de bourse et recherchant les « meilleures valeurs » pour faire les « meilleurs placements », ou la vogue du « nouveau management public » qui, sous couvert d’évaluation neutre s’appuyant sur des mesures chiffrées des « performances » de l’action publique, est en réalité une machine à porter des coups sévères aux services publics [2]… Ces « palmarès » à l’instar des sondages d’opinion, remplissent apparemment le vide avec du presque rien. En réalité, bien qu’ils ne provoquent pas ce qu’ils suggèrent, ils contribuent à le légitimer.