
Le texte qui suit est la transcription d’une intervention réalisée le 30 novembre 2012 à Saint-Denis lors d’une réunion publique organisée par le Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF), disponible en vidéo ici. Je le publie à l’occasion du nouveau « débat » que certains voudraient imposer au sujet du port du voile à l’Université.
Une récente une du Point, sobrement titrée « Cet islam sans gêne », a entrainé de nombreuses réactions et discussions dans les médias eux-mêmes, puisque plusieurs émissions radio et télé ont questionné cette une, en se demandant si elle ne contribuait pas, sous couvert de dénonciation de « l’islamisme », à stigmatiser l’islam comme religion et les musulmans comme croyants. On a ainsi pu entendre quelques voix salutaires, au milieu du brouhaha ambiant, qui ont clairement dénoncé la tentation islamophobe qui, sous couvert de « liberté d’expression », conduit à une banalisation de la stigmatisation des musulmans.
Si l’on va au-delà de cette une du Point, et de celle qui a suivi, quelques semaines plus tard, dans L’Express qui, se demandant si l’immigration coûte trop cher à la France, publie une photo d’une femme en Niqab qui entre dans une Caisse d’Allocations Familiales, probablement prise à la CAF de Kaboul ou de Peshawar, on se rend compte que la question de l’islamophobie dans les médias est complexe et ne se résume pas à quelques unes ou éditoriaux stigmatisant directement les musulmans. Depuis de longues années, on assiste en effet à ce que l’on appelle, en sociologie, la construction d’un problème public, en l’occurrence l’islam.
C’est de cette construction, et de ses moyens, dont je vais vous parler ce soir, en me focalisant notamment sur deux des méthodes les plus couramment employées : les sondages d’opinion, qui sont publiés de manière récurrente et qui semblent démontrer que l’islam « fait problème », et les « dossiers » (dans les hebdos notamment) qui, sous couvert d’interrogations sur la réalité de la « peur de l’islam », contribuent en réalité à la distiller et à la renforcer. (...)