
Alors que les élections françaises sont aujourd’hui au centre de l’agenda journalistique, cet article se penche sur la manière dont l’image des « banlieues » a été forgée médiatiquement lors de la campagne du scrutin présidentiel de 2007.
Pour cela, un corpus d’articles issus de quatre titres de la presse nationale a été construit [1]. La lecture de ces articles révèle que, dans 62 % des cas, les espaces résidentiels évoqués sont les « banlieues », les « quartiers sensibles » et autres « cités HLM », ce taux variant de moins de 50 % dans Le Monde et Libération à 80 % dans L’Humanité. Apparus il y a une vingtaine d’années dans les débats publics, les « quartiers sensibles » sont donc toujours les territoires de prédilection de ceux et celles qui se donnent pour objectif de décrire, comprendre – et traiter – les problèmes sociaux (Tissot 2007 ; Sedel 2009).
La longévité d’une telle catégorie d’analyse du monde social invite à s’y pencher, d’autant plus que la liste des pathologies qui sont associées aux « banlieues » n’a cessé de s’allonger. (...)
Cette focalisation sur les banlieues n’a rien de neutre, comme l’a encore montré la campagne électorale de 2007, au cours de laquelle ont été proposées aux lecteurs de la presse écrite des représentations bien particulières de ceux et celles qui y habitent. Parce que les campagnes électorales sont des moments de cristallisation des rapports sociaux, les grilles de lecture du monde social qui y sont mobilisées marquent d’autant plus durablement ces représentations collectives. (...)
Dans une perspective plus critique et dans un contexte de forte intrication entre champ politique et champ médiatique, on peut s’interroger sur les usages électoraux d’une telle focalisation sur la banlieue et ses désordres supposés. On peut aussi se demander si le retour dans l’invisibilité de populations qui n’en sortent qu’à l’occasion de faits divers violents relatés sur un mode sensationnaliste n’est pas le corollaire d’un recentrage sur les centres au moment des « analyses » postélectorales, et ce en raison du poids important de leurs habitants dans le lectorat de la presse quotidienne nationale. Il s’agirait alors, en somme, d’un déplacement de la focale journalistique sur l’espace légitime du point de vue de sa clientèle.