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La crise en Guyane découle de sa dépendance alimentaire
Article mis en ligne le 30 mars 2017

La mobilisation sociale en Guyane atteint une ampleur inédite. La dépendance alimentaire, qui conduit à des prix élevés de la nourriture, est une raison essentielle de la révolte.

La Guyane connaît une mobilisation sociale d’une ampleur inédite. Mardi 28 mars, 10.000 personnes défilaient dans les rues de Cayenne selon les forces de l’ordre, 20.000 selon les organisateurs, ce qui en fait, quoi qu’il en soit, la plus grande manifestation jamais organisée dans ce territoire français d’Amérique qui compte 250.000 habitants. Les revendications sont multiples, d’ordre sanitaire, économique, sécuritaire… Mais parmi les mobilisés de la première heure, on compte des agriculteurs. Ils dénoncent principalement des difficultés dans l’obtention d’aides et des problèmes concernant l’accès au foncier.

En Guyane, l’immense majorité des produits alimentaires consommés est importée. (...)

« Avec l’éloignement, nos coûts de production sont 40 à 50 % plus élevés qu’en métropole, explique Julien Ducat, secrétaire général de la FDSEA Guyane. Nos prix de vente sont donc plus élevés et nous ne sommes pas concurrentiels face aux produits d’importation. »

Produit localement ou importé, le panier de courses guyanais est plus cher que dans l’Hexagone. (...)

Dépendance alimentaire vis-à-vis de l’Hexagone

« Il y a toujours eu une grosse politique d’importation », résume Christian Epailly. La mobilisation actuelle bloque le Grand port maritime de Guyane et les pénuries peuvent rapidement se faire sentir dans cette région très dépendante de l’importation.

Cette dépendance alimentaire vis-à-vis de l’Hexagone existe en Guyane depuis sa colonisation au XVIIe siècle, explique l’historien Serge Mam Lam Fouck, professeur émérite à l’université de la Guyane. « Au temps où les peuples amérindiens étaient maîtres de leur destin, avant que ne commence la colonisation, les sociétés amérindiennes étaient bien évidemment autonomes sur le plan alimentaire. » (...)

« Pendant longtemps, l’idée était d’instaurer une grande monoculture, mais on n’a jamais réussi à le faire en Guyane. Il y a toujours eu des problèmes d’appauvrissement des terres, car les sols amazoniens sont très particuliers, décrit l’anthropologue Marianne Palisse, maîtresse de conférence à l’université de la Guyane. Mais cette spécificité n’a jamais été prise en compte », regrette la chercheuse.

« L’agriculture traditionnelle consiste en des cultures multiples sur de petites parcelles, qui en plus sont itinérantes. Quant au jardin créole, avec toutes ses associations de plantes qui repoussent les prédateurs, il apparaît très compliqué aux yeux des non-initiés. » Ces pratiques de brûlis itinérant sur abattis et du jardin créole, qui sont toujours pratiquées en Guyane, ne correspondent pas aux conceptions agricoles européennes ni à celle de la propriété privée de la terre.

Point symptomatique de la relation Guyane-Hexagone, la question foncière est un sujet brûlant. (...)

la Guyane est aussi la seule région française qui ne compte pas de Safer (société d’aménagement foncier et d’établissement rural). Si la création d’une Safer a été actée, reste encore la question de son financement. « Le président de la CTG vient de s’engager à mettre 250.000 euros dans le capital social de la future Safer, précise Christian Epailly. Nous attendons désormais que l’État en fasse de même. »

La ministre des Outre-mer, Ericka Bareights, et le ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl, sont arrivés mercredi 29 mars en Guyane pour négocier avec les représentants guyanais.