Ce livre fera date parce qu’il rassemble une documentation très à jour sur la conceptualisation et la mise en pièces de la nature par un capitalisme menant au bord de l’asphyxie planétaire, pour la nature mais aussi pour les humains. Maintenant que la crise écologique est avérée, que le réchauffement du climat n’est plus discuté et que les alarmes sur la perte de biodiversité se multiplient, on pourrait croire que tout est dit. Peut-être, mais réunir en un volume une synthèse aussi détaillée, précise et référencée à la fois sur les multiples atteintes à la nature et sur les fausses solutions qui y sont apportées est une belle réussite.
Une critique de la marchandisation de la nature
La problématique générale du livre est de montrer que s’engager dans la voie d’une réponse marchande à la crise écologique ne peut qu’approfondir cette dernière.
(...) Malheureusement, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, ou bien au Forum de Davos, tous les bons esprits rivalisent d’imagination pour « libérer la valeur économique de la nature » au nom de « tout cela est « bio » puisque c’est vivant » (p. 47). Si « une telle frénésie scientiste et prométhéenne » est considérée comme la solution à la dégradation de l’état écologique de la planète » (p. 49), c’est parce qu’on raisonne « comme si l’on pouvait séparer les effets positifs et négatifs, garder les premiers et régler les seconds séparément. Or, comme l’a montré Jacques Ellul dès 1954, un des caractères de la technique moderne est son « insécabilité » : elle forme un système, un tout, et ses effets ne dépendent pas de l’usage que l’on en fait, ils lui sont inhérents » (p. 49-50). (...)
Pour terminer son livre, Hélène Tordjman propose une conclusion étoffée, qu’on peut considérer – je le disais plus haut – comme un septième et dernier chapitre. En effet, elle choisit de présenter une voie pouvant servir d’exemple à développer face à l’entreprise de marchandisation de la nature. Il s’agit de la transformation du modèle de production agricole dominant pour aller vers une agrobiologie. Se référant aux concepts développés tant par Olivier de Schutter, ancien rapporteur du droit à l’alimentation pour les Nations unies, que par des agronomes comme Marc Dufumier, (...)