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Greek crisis
La cuisine du futur
Article mis en ligne le 11 décembre 2013

La Grèce depuis trois ans, c’est l’avant-garde au retour à l’éthique ascétique du premier capitalisme. Des rapports sociaux, des préoccupations et des liens ainsi brisés jusqu’au travail, et jusqu’aux salaires, tout a changé. Malgré nous, bien évidemment. Les sociétés modernes... péri-occidentales sont sûrement trop passives, c’est bien connu aussi. Et lorsque nous lisons par exemple un supposé grand quotidien comme “Eleftherotypia”, et qui tient encore la route coûte que coûte, nous nous disons alors que cela relève du miracle ou plutôt, du sacrifice (des salariés).

(...) Pour “Eleftherotypia” du dimanche 8 décembre, c’est le cynisme de la Troïka qui doit être dénoncé au sujet des saisies immobilières. “Partout en Occident il y a de nombreux sans-abri. Alors, où est votre problème ? Ceux qui n’auront plus de quoi se loger devraient être pris en charge par l’État”, ont ainsi fait remarquer certains Troïkans, d’après la presse grecque en tout cas. La “libéralisation” des saisies immobilières préoccupe alors tout le monde et au centre d’Athènes, une nouvelle affiche a fait son apparition : “Non aux rapaces. Pas une seule maison aux mains des banquiers”.

Les reportages sur le sujet sont ainsi fort nombreux en ce moment, Prokopis Pavlopoulos, ancien ministre des Finances au gouvernement Nouvelle démocratie d’avant 2009, se dit opposé à une telle mesure “sans conditions” en y ajoutant que “la nouvelle taxe sur la propriété immobilière calculée volontairement en 2013 sur les valeurs des biens datant de 2008, est de ce fait inconstitutionnelle”, “Eleftherotypia” du dimanche 8 décembre. Sauf que Prokopis Pavlopoulos a bien voté en faveur de la loi de Finances dimanche soir.(...)

Notre presse utilise de plus en plus dans la dérision par les temps qui courent, voire l’autodérision. À “Eleftherotypia” par exemple, après la reprise du quotidien il y a un an, le personnel (déjà embauché pour ne toucher que 50% des anciennes rémunérations restant souvent impayées depuis 2011), attend ses salaires depuis trois à cinq mois selon le cas. Le climat au quotidien est plus que délétère, les salariés sont épuisés, également dans la mesure où l’entreprise tourne avec le tiers de son personnel d’avant, et lorsque les locaux ne sont que très moyennement chauffés.

“Le journal sort et d’ailleurs de manière honorable parce que le personnel, et ceci quoi qu’il arrive, fera preuve de professionnalisme... jusqu’à la fermeture. C’est l’héritage, le nôtre après tant d’années de travail qui fait que certaines manières ne se perdent pas si facilement. C’est du travail certes gratuit... mais c’est du bon travail”, me disait récemment Yannis, journaliste “finissant” à “Eleftherotypia”. (...)

Étrange dictature méta-démocratique où enfin tout est dit... et rien ne se réalise ni ne s’incarne en réaction. Dans un sens de plus en plus commun, le système des partis et des syndicats se termine, autant que leur rôle auxiliaire, y compris dans la “contestation”. (...)

D’après Gallup, la Grèce figure parmi les vingt pays les plus détruits par la crise au niveau mondial depuis trente ans (presse grecque du 10 décembre). Dimanche soir (8 décembre), le rideau miteux au théâtre d’ombres de la Grèce est... tombé avec fracas, au sens propre comme figuré. Lors de la discussion du projet de loi de finances au “Parlement” et durant de nombreuses heures, l’hémicycle s’est trouvé en... panne d’orateurs. Les députés et les ministres n’avaient même plus le désir de faire semblant. Au même moment devant ce “Parlement”, la Confédération Générale (?) des travailleurs Grecs (GSEE) ainsi que la Centrale syndicale de la fonction publique (ADEDY) avaient appelé à manifester, une manifestation fiasco qui a rassemblé à peine quelques centaines de personnes.

De surcroît, notre temps historique accéléré, finit par autant avaler les formations politiques “alternatives” avant même qu’elles ne gouvernent ou comme en France, aussitôt après. “C’est lorsque l’ancien se meurt et que le nouveau ne parvient pas à voir le jour que surgissent les monstres” écrivait Antonio Gramsci en son temps, et j’y ajouterais... les marionnettes. Telle est “notre” dernière Europe et il n’y en aura pas d’autre.

Nous devrions savourer ces moments historiques malgré... l’intoxication mortelle. C’est toujours ainsi que la cuisine du futur se prépare.